Le crémant d’Alsace est un vin mousseux produit dans tout le vignoble alsacien, dont la qualité et les saveurs s’approchent de celles de son grand rival champenois.

Alors, le crémant, c’est un « sous-champagne » oui ou non ? Pour le savoir, je me suis rendu chez trois fabricants réputés d’Alsace, pour découvrir sa méthode de fabrication et bien sûr déguster ses meilleures cuvées. Chez Dopff, tout d’abord, à Riquewihr, où Etienne-Arnaud, l’actuel président de la maison Dopff, explique que c’est son grand-père qui a introduit dans le vignoble alsacien la méthode de vinification dite « champenoise ». Le plus drôle, c’est qu’il a découvert le dégorgement du champagne à… Paris, lors de l’Exposition universelle de 1900 ! Jusqu’alors, lui et ses ancêtres produisaient depuis le 16ème siècle des vins tranquilles, sans bulles. De retour de la capitale, et après avoir fait une formation de deux ans à Epernay, son grand-père appliqua la méthode champenoise à une partie de sa production viticole, et ses voisins suivirent. Dans les années 1970, les producteurs de champagne, inquiets du succès croissant du crémant, font du lobbying à Paris pour que les Alsaciens n’aient pas le droit d’utiliser la mention « méthode champenoise » sur leurs bouteilles. Ils la remplacent par « méthode traditionnelle »… Quoi qu’il en soit, le crémant alsacien obtient ses bulles de noblesse en obtenant l’AOC en 1976. Un label de qualité qui sera ensuite décerné aux crémants de Bourgogne, de Loire, de Savoie, etc…


Dans les caves historiques de Wolfberger, aux immenses foudres en chêne, Jérôme Keller, oenologue, explique les principes de vinification du crémant : la vendange est obligatoirement manuelle, et les raisins sont acheminés dans des caisses de moins de 100 kg afin d’éviter leur tassement. Puis les grappes sont pressées, et le jus d’égouttage est séparé en trois partie au fur et à mesure qu’il sort du pressoir. Le premier jus et le second sont conservés, le troisième part en distillerie. La plupart des crémants sont faits avec un mélange du premier et du deuxième jus, mais les plus fins ne sont faits que du second. Ces jus décantent pendant 12 à 36 h, puis une fois débarrassés de leurs impuretés, commence leur fermentation. Ils sont alors filtrés et mis en bouteille avec un ferment de levures et une dose de sucre. C’est grâce à cette deuxième fermentation que se fera la prise de mousse, et la composition des levures et le dosage du sucre se combineront pour donner son caractère au crémant. Après une période de vieillissement sur lattes de neuf mois minimum, les bouteilles sont tournées tous les jours sur leur pointe, afin que le dépôt se rassemble dans le col en attendant le dégorgement. Lors de cette opération, le volume libéré lors de l’évacuation du dépôt est compensé par l’ajout d’une liqueur sucrée permettant un dosage en brut, extra-brut ou demi sec, comme pour le champagne.

Dans sa petite boutique sise à Voegtlinshofen, Jacques Cattin détaille les cépages autorisés dans la confection du crémant d’Alsace : le principal cépage est le pinot blanc, qui confère fraîcheur et délicatesse ; le riesling offre des crémants aux notes vives et fruitées ; le pinot gris apporte richesse et charpente ; le chardonnay distille des notes fines et légères ; le pinot noir est le seul cépage à produire des crémants d’Alsace rosés, et il est également à l’origine des Blancs de Noirs. Les crémants sont issus de l’assemblage harmonieux de plusieurs cépages, mais il faut savoir que certains crémants sont élaborés exclusivement à partir d’un cépage unique, leur nom étant dans ce cas affiché sur l’étiquette. Enfin, il existe des crémants millésimés, souvent affinés plus longtemps, qui développent un caractère vineux avec des notes beurrées et briochées. Côté mariage mets/vins, les avis divergent, mais en Alsace, le crémant accompagne sans problème poisons, viandes blanches et choucroute, fromages de chèvre et desserts. Et au moment de l’apéritif, il concurrence même le muscat !

En résumé, et après moultes dégustations, on peut affirmer que le crémant d’Alsace est tout à fait comparable au champagne. Je dirais même qu’un bon crémant est supérieur à un petit champagne. A des prix souvent bien moindres ! A déguster avec modération, sur place, de préférence…
Bonnes adresses
Domaine viticole de Colmar, 2 rue du Stauffen, Colmar. Domaine viticole de Colmar
Dopff-Moulin, 3 rue du Général de Gaulle, à Riquewihr. Dopff au Moulin
Wolfberger, 6 Grand’Rue, à Eguisheim. Wolfberger
Joseph Cattin, 19 rue Roger Frémeaux, à Voegtlinshoffen. Cattin
