Ce fruit rose, charnu et juteux, est, avec la vanille Bourbon et l’ananas Victoria, l’un des produits de terroir emblématique de La Réunion. Bénéficiant du Label Rouge depuis 2012, c’est le meilleur letchi que vous pourrez trouver dans le commerce, dépassant en grosseur, en suavité et en fraîcheur le litchi de Madagascar qui truste les étals des supermarchés. Présenté en grappe avec ses branches, il clôt en beauté un repas de fête : c’est le fruit de Noël par excellence !

Une origine chinoise
La première mention de la culture du letchi date de 111 avant J.-C. C’est l’empereur chinois Han Wudi qui avait ordonné de planter des letchis dans l’enceinte de son palais. Le letchi a été introduit à La Réunion en 1764 par Joseph François Charpentier de Cossigny de Palma. Cet ingénieur de la Compagnie française des Indes Orientales, explorateur et botaniste français, avait ramené quelques pieds de letchi d’un voyage en Chine, et en avait planté dans l’île Bourbon. Cet arbre fruitier s’est très bien acclimaté dans les zones arrosées du Sud et de l’Est, du niveau de la mer à 400 m d’altitude. Plusieurs variétés sont présentes dans l’île (Blanc, Toupie, Lisse…), mais la plus cultivée est la kwaï mi, une variété juteuse et très sucrée, de belle coloration. Sa peau, à la fois fine et coriace, est rugueuse au toucher, et forme une véritable carapace avec ses reliefs en pointes. Ce fruit est très riche en vitamine C et en glucides.

Culture et récolte
Afin d’en savoir plus sur la culture du letchi, j’ai rencontré plusieurs producteurs. Rendez-vous tout d’abord au Domaine de Bellerive, à Saint-Anne, lieu-dit les Orangers, dans la plantation de Raphaël Avice. C’est un peu la Maison des Letchis, puisque son propriétaire a installé des panneaux didactiques pour tout savoir sur ce petit fruit rose. Raphaël explique : « Le marcottage est la meilleure méthode de multiplication du pied de letchi : il permet de reproduire rapidement les mêmes sujets que le pied mère, et ne connaît pas les problèmes d’incompatibilité du greffage ». Le marcottage, si vous n’êtes pas jardinier, consiste à plier vers le sol et enterrer la branche de l’arbre, afin de produire un nouveau pied. Les plants de letchi issus du marcottage fructifient en 2 à 5 ans. La pleine production est atteinte à partir de la 10ème année de fructification, et peut atteindre une centaine d’année.

C’est à peu près l’âge du magnifique arbre que j’ai vu chez Jean-Marc Huet, à Saint-Philippe, dans le Sud Sauvage. Il atteint bien 20 ou 30 m de haut, et en ce mois de décembre, sa large ramure est rougie de letchis qui font ployer ses branches. « Un pied de letchi produit en moyenne 150 kg de fruits, mais certains vieux arbres peuvent donner plus d’une tonne ! Je ne sais pas combien celui-ci en produit, je n’ai jamais réussi à tout cueillir ! » sourit Jean-Marc, qui vend sa récolte au marché, en même temps que ses cœurs de palmistes, papayes, piments et autres « bazars » (sic) qui poussent sur ses terres volcaniques très fertiles.


Pour assister à la récolte, je me suis rendu chez Vincent Sablé, du Comptoir Mélissa, qui exploite à Saint-Benoît (au lieu-dit Bras-Canot) un verger de 2000 pieds de letchis, plantés par son grand-père. Ce sont aussi de très beaux et vénérables arbres, dont Vincent explique le processus de floraison : « Avant de porter des fruits, un pied de letchi a besoin d’une période dite de « stress », c’est-à-dire d’un coup de froid, pour entamer sa floraison. Cela se produit entre juin et août, ce qui correspond à « l’hiver » de La Réunion. De petites fleurs de couleurs blanches jaunâtres commencent à apparaître au bout des branches et sont ensuite fécondées par les insectes, principalement des abeilles qui produisent d’ailleurs un miel de letchi extraordinaire, à la texture crémeuse et au parfum inimitable. Peu après, de minuscules petits letchis verts font leur apparition. La récolte se fait généralement au mois de décembre, au moment où la maturité du fruit a atteint son apogée ».

Vincent Sablé ne récolte ses letchis que lorsqu’ils sont bien rouges et à complète maturité, contrairement à ceux de Madagascar, cueillis verts, et qui continuent de mûrir dans les cales des navires. Lorsque le jour de la cueillette est arrivé, des « casseurs » grimpent tôt le matin dans les arbres et cassent les grappes qu’ils glissent dans de grands sacs tressés de feuilles de vacoa. Descendus à terre à l’aide d’une corde, les sacs de letchis filent vers la salle de tri, où les trieuses écartent les fruits tâchés, égalisent la longueur des tiges, et confectionnent de jolis bouquets agencés dans des colis et glissés dans des sacs plastique perméables à l’oxygène et anti-humidité. Ils sont alors réfrigérés à 15 °C, avant d’être dirigés le soir même vers le fret de l’aéroport Roland Garros à Sainte-Marie. « Cela permet aux fruits de garder leur fraîcheur et leur jus, et à la peau de ne pas se déshydrater trop vite. Ainsi, ils arrivent en métropole presque aussi frais que si on venait de les cueillir ! » assure Vincent.







Dégustation
A l’arrivée en métropole, les fruits doivent être conservés à la cave ou dans une pièce fraîche, sous un linge mouillé, voire au frigo. De toutes façons, ils ne devraient pas rester longtemps dans la boîte, c’est une gourmandise très addictive, et quand on met la main dedans, on ne peut plus s’arrêter ! Le letchi n’est jamais meilleur que dégusté frais et nature, mais il peut être accommodé en cuisine en pâtisserie (gâteau, tarte, ou pour aromatiser une crème ou une mousse), et il fait merveille en accompagnement d’un magret de canard. A La Réunion, on le prépare en sorbet, en confiture, en jus de fruit, et on l’utilise pour faire du rhum arrangé et même une sorte de vin.

Lors de la dégustation, très conviviale, tout le monde pioche dans le tas en espérant tomber sur le plus gros fruit. En effet, certains fruits ont des noyaux particulièrement rétrécis, procurant un plaisir immense au chanceux qui croque alors dans une grosse épaisseur de pulpe, en se vantant d’avoir eu « le plus gros »… Encore plus amusant : faites comme la « marmaille » de La Réunion : prenez un gros noyau, coupez-le en deux en son milieu, plantez une allumette dedans, et vous aurez une toupie !
L’idéal, bien sûr, est de venir les déguster sur place. En décembre, le letchi se vend partout, au marché, mais aussi et surtout au bord de la route, où les petits producteurs vendent une partie de la récolte de leur jardin, afin de se faire un petit pécule à l’approche de Noël. Mais comme tous les pieds de letchis de La Réunion donnent leurs fruits en même temps, les prix baissent très vite, et de 20 € au début de la saison, les prix chutent à 2 €, voire 1,5 € le kilo au plus fort de la production ! De quoi s’en faire des ventrées avant d’aller en excursion sur le volcan, ou dans les cirques… Voir mon article : https://reportages-tourisme.com/2018/02/09/la-reunion-une-ile-sensationnelle/


Si vous logez en chambre d’hôtes dans le Sud ou l’Est de l’île, il y a de fortes chances qu’il y ait un pied de letchi dans le jardin créole. Par exemple, lorsque j’ai logé en famille au Lapin d’Or, une maison d’hôtes située à Saint-Joseph, les propriétaires nous cueillaient des letchis pour le petit-déjeuner. Enfin, il arrive que l’on trouve des pieds de letchis communaux, dans le Sud Sauvage. Il suffit de s’arrêter, et de les cueillir ! C’est au pied de l’arbre qu’ils sont les meilleurs, évidemment…


A savoir :
* L’orthographe de ce fruit peut varier : il s’écrit letchi à La Réunion, mais on peut le trouver écrit « litchi » ou plus rarement « lychee ».
* La production à La Réunion : 150 producteurs, 700 ha de vergers, rendement de 8 à 10 t/ha, récolte de novembre à fin décembre.
- Attention à la mention « litchi avion » : c’est une tentative scandaleuse de la grande distribution pour abuser le consommateur, car cela peut laisser croire qu’ils viennent de La Réunion. Or, une petite partie de la production de litchis de Madagascar est aussi exportée par avion. Donc, si la mention « de La Réunion » ne figure pas sur l’étiquette, ce sont des litchis de Madagascar. Certaines grandes surfaces se gardent bien de préciser l’origine du fruit, soyez vigilants, car le litchi de Madagascar est toujours de moins bonne qualité que celui de La Réunion.
Comment s’en procurer ?
Attention de ne pas le confondre avec le litchi de Madagascar, qui arrive en vrac, sans la tige. Vous trouverez le letchi de La Réunion dans certaines grandes surfaces ou détaillants, mais pour les avoir le plus frais possible, je recommande de les commander directement au producteur. Cueillis mûrs le jour J, ils sont emballés et mis dans l’avion le soir même, arrivent en métropole le lendemain, et peuvent vous être livrés à J + 2 ou +3. Quand vous ouvrez le colis, les fruits sont encore très frais et gorgés de jus !
Le Comptoir Mélissa : https://lecomptoirmelissa.fr/metropole/
Envoi de colis de 2,5 ou 5 kg de letchis, avec ou sans confitures ou nectar de fruits (papaye, goyave, fruit de la passion…). Le colis de 5 kg : 79 € (envoi inclus). Ce qui fait 15,8 €/kg, bien moins cher que les letchis de La Réunion « avion » vendus dans la grande distribution, où le prix au kilo est rarement inférieur à 20 €/kg. Et les fruits sont forcément moins frais, ayant dû passer entre les mains et les entrepôts d’un grossiste et du détaillant.

