A la découverte des Premières Nations du Québec

Les populations autochtones de la Belle Province partagent leur culture et leurs traditions à travers des expériences à vivre dans leur réserve ou dans la nature. Voici l’itinéraire que j’ai suivi à partir de la ville de Québec, qui m’a permis de rencontrer deux communautés autochtones.

A peine sorti de l’avion, le contact est établi avec les Premières Nations : dans le hall où les bagages sont délivrés, tout un pan de mur est recouvert par une carte du Canada, où apparaît Nionwentsïo, le territoire revendiqué par le peuple huron-wendat, qui correspond à peu près à la province du Québec. Cette communauté s’est installée dans un village tranquille de la banlieue de Québec city, comme on le verra plus loin… En attendant, je retrouve avec plaisir la ville fondée en 1608 par Samuel de Champlain. C’est comme un rituel, il faut que j’aille d’abord saluer l’explorateur (enfin sa statue), installée devant le mythique château Frontenac, ce bâtiment historique devenu hôtel de luxe. Puis j’arpente la terrasse Dufferin et je contemple le Saint-Laurent, comme devaient le faire les Amérindiens qui vivaient sur ce promontoire rocheux en le nommant kebec, ce qui signifie « là où le fleuve se rétrécit » en algonquin. Au programme des incontournables (voir mon article Québec la blanche), il y a aussi : déambuler dans la vieille ville, prendre un verre sur la place Royale, et remonter par le funiculaire pour visiter la citadelle. Durant l’été 2022, le parc municipal du Bois de Coulonge a accueilli « Mosaïcultures », une exposition de sculptures réalisées à base de plantes, où l’art topiaire est à son expression la plus aboutie. Cette année-là, le thème retenu était « Il était une fois la Terre », et parmi les univers censés représenter un hymne à la Terre (les mondes polaires et marins, les espèces menacées, les animaux domestiques…) il y en avait un consacré à la nation huronne-wendat, historiquement implantée près de Québec. J’ai donc fait connaissance avec Tsou’tayi’, le castor qui est l’emblème de cette nation, Yänariskwa’, le loup, respecté pour son attachement au clan, Yändia’wich, la tortue, qui a un rôle central dans le récit de l’origine de la Terre, et bien sûr Yäa’taenhtsihk, la Terre-Mère, représentée par le visage souriant d’une jeune femme…

Wendake, à visiter sans réserve

Cette fois je suis mordu, intrigué par cette nation si proche de la nature, qui était là bien avant l’arrivée des Européens. Je me rends donc à Loretteville, un des 35 quartiers de Québec, où se situe la réserve Wendake, chef-lieu de la nation huronne-wendat. Il ne faut pas s’imaginer une réserve comme un lieu clos, rien de distingue à première vue cette banlieue proprette aux pelouses bien tondues d’une autre banlieue nord-américaine ! Après avoir posé mes bagages dans l’hôtel-musée des Premières Nations (voir à la fin « le voyage pratique »), qui est situé au bord de la rivière Saint-Charles, je décide d’aller voir de plus près ce qu’il y a dans la réserve. A partir de l’hôtel, une balade très agréable consiste à emprunter la rue du chef Nicolas Vincent (presque toutes les rues ici portent le nom d’un chef…), pour aller voir la jolie église Notre-Dame-de-Lorette, dont la décoration sort un peu de l’ordinaire : peaux de bêtes sous l’autel, capteur de rêve, vieilles raquettes à neige, canoë en écorce… De l’autre côté de la rue, en se penchant sur le pont, on voit une grande fresque où l’on retrouve les animaux et les thèmes fétiches de la nation locale. On est bien en territoire amérindien ! Un mini-square invite à s’asseoir pour détailler un grand totem sculpté des 5 animaux importants pour cette communauté (tortue, castor, loutre, crapaud et rat musqué). Quelques marches plus bas, un belvédère permet d’admirer la tumultueuse chute d’eau Kabir Kouba. Ce qui est incroyable, c’est qu’en suivant sur quelques centaines de mètres la passerelle en bois du sentier des rivières, on se retrouve dans un canyon boisé hyper sauvage… C’est ce qui me plaît au Québec, la ville est dans la nature, alors qu’en Europe, c’est l’inverse ! Sur le chemin du retour, je fais halte à la maison Tsawenhohi, une dépendance du musée de l’hôtel. Cette maison centenaire fut habitée par Nicolas Vincent Tsawenhohi, un grand chef du clan du chevreuil, qui a été nommé en 2001 «personnage d’importance historique nationale» par le ministère du Patrimoine canadien. L’exposition riche en vieilles photos, gravures et documents, présente la vie de quelques grands chefs et leur importance pour l’histoire du pays et de la communauté. Diplomate et guerrier respecté, Tsawenhohi est reconnu pour sa défense des droits de la nation huronne-wendat (il s’est adressé à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, et s’est même rendu en Angleterre en 1824 !), et il a inspiré un fort sentiment de fierté à cette communauté. L’exposition rend aussi hommage à Marguerite Lawinonkié, qui a contribué au développement de l’artisanat dans la communauté, notamment en popularisant l’utilisation du poil d’orignal dans la broderie, et l’on retrouve tous ces objets dans la boutique attenante. Le musée principal se trouve dans l’hôtel des Premières Nations. Une grande frise bien illustrée permet d’abord de connaître l’histoire de ce peuple, des temps mythiques jusqu’aux derniers récents arrêts judiciaires favorables à la Nation. Comme date importante, j’ai retenu 1534, date de la première rencontre d’un chef huron avec Jacques Cartier ; et 1760, le traité Huron-Britannique confirmant les droits nationaux, territoriaux, culturels, spirituels et commerciaux des Hurons-Wendat dans le Nionwentsïo. Le reste du musée est composé de vitrines où sont exposés des objets du quotidien des Indiens : matériel de pêche, pierres de hache, poteries, fusils, tomahawks, calumets, aiguilles en os, pattes d’orignal décorées… J’ai particulièrement aimé ces ceintures wampum traditionnelles, tressées ou brodées de perles, dont les motifs racontent une page d’histoire. Il faut être huron-wendat pour les décoder, c’est la raison pour laquelle il faut faire la visite avec un guide. Le mien était Robert William, un doux colosse nommé Kusselueu en langue innu, une nation vivant plus au nord, entre le lac Saint-Jean et le Saint-Laurent, et dont je parlerai plus loin. Ce qui est chouette, c’est qu’il émaille ses commentaires d’anecdotes personnelles. J’ai appris ainsi que lorsqu’il part pêcher avec sa famille, c’est lui qui porte le canot en écorce de 150 kg sur ses épaules… « J’aime parler de mes racines » confie-t-il simplement. Le 3ème élément patrimonial du musée, c’est l’immense hutte dissimulée derrière une palissade, qui se trouve devant l’hôtel. Ekionkiestha’ est une maison-longue reconstituée en bois d’épinette noire ou bois de pruche (un arbre canadien de la famille des pins) et couverte d’écorce d’orme ou de bouleau, qui est utilisée pour la pratique et la transmission de rituels traditionnels. De grandes familles dirigées par une matriarche dormaient là, sur des couchettes réparties en hauteur, tout autour de l’allée centrale où couvaient des feux. C’est devant l’un de ces feux que j’ai écouté Hanariskwa du clan des Loups (alias Dominic Sainte-Marie, un autre guide autochtone), raconter un conte traditionnel, après avoir appelé les esprits des anciens en faisant brûler de l’encens. « Yiheh ! » (Bienvenue !) Rythmé par le battement de son tambourin, à la lumière dansante des flammes, son récit envoûte et fascine. La magie opère, les poils se dressent sur les bras, les esprits sont là. Ils me font croire à cette histoire d’outardes (oies sauvages) qui sauvent Yäa’taenhtsihk de la noyade et la déposent sur le dos de la Grande Tortue… Une expérience incontournable ! Et pour rester dans l’ambiance, il est possible de dormir sur place, dans un sac de couchage posé sur des peaux d’ours noir et de loup…

Réserve Wendake, au nord de Québec city
Réserve Wendake, chutes Kabir Kouba
Chefs hurons, celui au calumet est Nicolas Vincent
Robert Williams
Dominic Sainte-Marie, alias Hanariskwa

L’univers Wendat au cœur de la nuit

Dans le même registre poético-mystique des légendes huronnes, je vais vous parler maintenant d’Onhwa’ Lumina, un Sons & Lumières absolument fantastique qui est installé dans un bois de Wendake. C’est un parcours nocturne d’1,2 km ponctué de 7 installations lumineuses qui évoquent les valeurs fondamentales de la nation huronne-wendat : le cercle qui unit les êtres, le mythe de la création de l’Amérique du nord sur le dos de la Grande Tortue, le respect des animaux sauvages et des plantes, le culte des ancêtres qui transmettent le savoir… J’ai particulièrement aimé la projection pixellisée d’images d’ancêtres, et la danse d’un guerrier stylisé par les escarbilles mouvantes d’un feu. Et pendant tout le parcours, on est sous le charme du chant mélancolique et envoûtant de Keyara (et de sa sœur), les filles de Wadohandik (Steeve Gros-Louis), chef de la compagnie de danseurs et de musiciens Sandokwa (dont je reparlerai dans l’encadré sur le pow-wow), qui est justement le danseur de feu pixellisé qui est projeté sur l’écran noir de la forêt. Une réussite totale qui fait de cette expérience immersive un moment magique où l’on quitte nos oripeaux d’occidentaux matérialistes pour entrer en communion avec l’univers enchanté et onirique de cette nation amérindienne… https://onhwalumina.ca

Les Marais du Nord

Le lendemain, je décide de continuer l’exploration de la réserve en visitant Onhoüa Chetek8e (le graphème « 8 » représente le son « ou » de la consonne « w » en langue huronne), qui est la reconstitution d’un village traditionnel huron. J’espère que vous aurez la chance de tomber sur Simon Pérusse, dit le Magicien, un autochtone qui a été effectivement magicien dans une autre vie, et qui fait parfois la visite avec sa corneille Moko sur l’épaule… Moi j’ai eu Raphaël, il fait le job, est très sympathique, mais il fait moins « couleur locale »… En tout cas, durant cette visite passionnante, où l’on entre aussi dans une maison-longue, j’ai appris pleins de choses sur l’histoire et le mode de vie ancestral des hurons. Comment ils se nourrissent et se soignent avec les plantes, pourquoi ils se purifient dans des huttes de sudation, comment ils fabriquent les arcs, les canots et les raquettes à neige (tendues avec des babiches, des lanières en cuir de cervidés), etc… La sorcellerie est évoquée, et si le passé est bien décrit, le présent n’est pas oublié, et l’on apprend qu’environ 1700 hurons-wendat vivent dans la réserve, et que c’est la première nation à avoir eu sa propre banque ! Les visiteurs qui le souhaitent peuvent s’initier au tir à l’arc ou au lancer de tomahawk, fabriquer une roue de la médecine (censée éloigner les maladies), ou faire une balade en canot sur la rivière Saint-Charles. www.huron-wendat.qc.ca

A propos de cette rivière, elle est issue en amont d’un grand lac éponyme, au nord duquel s’étendent les Marais du Nord, qui symbolisent le Canada comme je l’aime. Une nature sauvage et belle, mais facilement accessible. C’est aussi une réserve, mais naturelle, cette fois ! En s’acquittant d’un droit de 6 $, on peut emprunter des sentiers balisés bien entretenus et aménagés d’observatoires, idéaux pour profiter de ces beaux paysages, et peut-être apercevoir la faune qui vit ici en totale liberté. J’ai eu la chance de voir des hérons, des urubus à tête rouge, un nid de balbuzard, un martin-pêcheur, un geai bleu, et d’entendre le « toûng » de la grenouille verte, qui ressemble au son d’une corde grave de banjo… Mais attention aux maringouins (moustiques), particulièrement voraces dans le coin. Mieux vaut porter un pantalon et des manches longues, et avoir un bon répulsif, sinon le passage en forêt devient vite un calvaire ! Après la balade, je recommande d’aller déjeuner au manoir du lac Delage (à 1 km), installé au bord d’un joli lac tout rond où se posent les outardes. Au fait, savez-vous ce que signifie Nionwentsïo en langue huronne-wendat ? « Notre magnifique territoire ». Rien n’est plus vrai !

Simon Pérusse, guide et historien
Raphaël, guide au site traditionnel huron
Maison-longue du site huron
Dans la maison longue
Masque Wendat dans le restaurant Nek8arre
Raphaël, guide du Site traditionnel huron, au débarcadère des Canots Légaré
Canot sur la rivière Saint-Charles
Marais du Nord
Marais du Nord
Marais du Nord
Lac Delage
Outardes au lac Delage

Des ours et des baleines

Après avoir fait connaissance avec la nation huronne-wendat, cap au nord-est vers Tadoussac en remontant le Saint-Laurent, afin de rencontrer des membres de la nation Innu. Chemin faisant, halte obligatoire à la chute de Montmorency, une cascade de 83 m, soit 30 m plus haute que celle du Niagara ! Le site est équipé d’un téléphérique, d’un pont suspendu et de belvédères accrochés à la falaise, qui permettent de voir cette tumultueuse chute d’eau sous plusieurs angles, et de s’en approcher au point de ressentir sa puissance… et sa fraîcheur ! Après 3 h de route en passant par des villages aux noms pittoresques qui donnent tous envie de s’y arrêter (Cap-aux-Corbeaux, Pointe-au-Pic, Port-au-Saumon, Port-au-Persil…), voici Tadoussac, que l’on rejoint après avoir franchi la rivière Saguenay dans un traversier. Même si le trajet ne dure pas longtemps, ne restez pas dans la voiture, mais surveillez à bâbord ou à tribord, il peut y avoir des dauphins ! J’en ai vu le dos d’un, très clair, sans doute un beluga… C’est normal, Tadoussac est un site privilégié pour l’observation des baleines. Le parc marin Saguenay-Saint-Laurent est d’ailleurs l’un des rares endroits au monde qui concentre 13 espèces de cétacés ! Plusieurs compagnies proposent des formules pour partir observer les baleines, et j’ai choisi naturellement celle qui appartient à la communauté Innu de la réserve d’Essipit, située à une trentaine de kms au nord. De plus, cette compagnie (Croisières Essipit) a signé le protocole d’éthique de l’Alliance Eco-Baleine, ce qui garantit une approche respectueuse des cétacés. Ce jour-là, on les a tellement respectés qu’on n’en a pas vu la queue d’un ! Il faut dire que les conditions météo très venteuses n’étaient pas favorables, et malgré le talent du capitaine du zodiac, j’ai fini trempé comme une soupe, sans avoir pris une seule photo… Mais bon, c’est le jeu, les baleines ne sont pas toujours au rendez-vous, et puis au retour j’ai quand même aperçu les moustaches d’un phoque gris ! Après m’être changé, j’ai déjeuné Aux Escoumins dans un restaurant tenu par des autochtones, et Nicolas Moreau, directeur de la compagnie de croisière, du dépanneur (épicerie) et d’autres entreprises de la réserve d’Essipit, m’a expliqué plusieurs choses intéressantes sur le fonctionnement de la réserve et l’importance du tourisme pour cette communauté : « Le tourisme représente 40 % de notre économie, et notre communauté fait partie, avec celle de Wendake et celle du lac Saint-Jean, de celles qui dépendent le plus du tourisme. Toutes les activités que nous proposons aux visiteurs, la chasse et la pêche, l’observation des baleines, l’hébergement en pourvoirie ou en chalets, les restaurants… nous permettent de vivre dans notre réserve, au lieu de nous disperser et d’être obligé d’aller chercher du travail ailleurs. Cela nous permet de partager notre culture et nos valeurs, sans voyeurisme, à notre façon. Il faut savoir que les profits des entreprises sont redistribués non pas en dividende, mais en services pour la communauté. Et notre système communautaire fait que ceux qui gagnent bien compensent la perte des autres ! » Ça laisse rêveur…

Chutes Montmorency
Chutes Montmorency
Maud, guide aux chutes Montmorency
Traversier de la rivière Saguenay
Cétacé dans la rivière Saguenay, à Tadoussac
En zodiac sur le Saint-Laurent, vers Tadoussac
Rivage du Saint-Laurent, devant le Condo-Hôtel Natakam

A 8 km au nord de Tadoussac, la pourvoirie des Lacs à Jimmy fait du bon business. Les touristes y font la queue pour avoir la chance de monter à bord des 4×4 qui s’enfoncent une fois par jour dans la forêt pour aller voir les ours noirs… David Jourdain, trappeur et guide ici depuis 32 ans, fait monter le suspense : « Alors, est-ce qu’on va voir des ours, aujourd’hui ? » Avec ma chance, si c’est comme pour les baleines… Heureusement, la « chasse » aux images est un peu truquée, car David a habitué un groupe d’ours, avec dépôt de nourriture, à fréquenter une petite carrière en fin d’après-midi. « C’est une habitude, mais non une dépendance ! » affirme-t-il pour se défendre d’appâter des animaux sauvages. Quand nous arrivons dans la cabane d’observation, la carrière est déserte, mais dès que David apparaît, de grosses boules de poils noirs arrivent en se dandinant ou se laissent tomber au pied des conifères. Quelle émotion ! Pouvoir observer en toute sécurité ces animaux sauvages dans leur élément naturel est un vrai privilège. Mashku est l’animal le plus respecté par les Innus. Autrefois, le passage à l’âge adulte se faisait lorsqu’un jeune tuait son premier ours. Ce temps est révolu, et ceux que j’ai observé n’ont pas trop de soucis à se faire… Alors que « Captain Morgan » et « Toute Belle » (ainsi nommés par David) se pourléchent les babines après avoir avalé les abats de poisson, cinq petits oursons négligent le repas facile et grimpent au sommet d’un grand pin. C’est si beau et touchant de les voir se chamailler dans la lumière pailletée d’or du soleil couchant ! Je serai bien resté plus longtemps à observer cette famille ours, mais la nuit tombait, il fallait partir et les laisser tranquille.

David Jourdain, guide et trappeur
David Jourdain apporte à manger aux ours noirs
Ours noirs
Ours noirs
Oursons noirs

Kanapé triple

« Kuei ! » (bonjour en Innu) C’est ainsi que je suis accueilli au Condo-hôtel d’Essipit, où m’attendent Michel Kanapé et sa femme Michelle, et Eric Kanapé, le frère de Michel. Ils appartiennent à la communauté Kanapeut (signifiant l’homme courageux) et ont fait 2h30 de route pour rencontrer le groupe de journalistes dont je fais partie, afin de nous faire découvrir leurs us et coutumes. Et ils ne sont pas venus les mains vides ! Sous un grand tipi, ils commencent par évoquer leur mode de vie, peu différent de celui de leurs ancêtres, le gros truck (4×4 plateau) et la 5 G en plus. On découvre d’abord qu’innu signifie « être humain ». C’est ainsi que s’est nommé ce peuple nomade, bien avant l’arrivée des Français qui les ont appelés les Montagnais. A l’appui de leur récit, Eric sort le tambour en peau de caribou, et Michel caresse les fourrures de loup ou de pécan qu’il a prélevées dans la nature. Pendant ce temps-là, Michelle surveille la soupe de gélinotte huppée qui mijote. C’est bientôt l’heure du repas, et Michel nous entraîne à l’extérieur où cuit aussi un ragoût de castor. « Venez, la bannique doit être prête ! » Agenouillé, il dégage de la terre sableuse et frotte avec un chiffon le pain traditionnel amérindien cuit dans la braise. Ça sent divinement bon, et ce pain est un régal ! Alors que je remercie chaleureusement mes nouveaux amis, Michel me fait remarquer, malicieusement : « En innu, il n’y a pas un mot simple pour merci, on dit tshinashkumitin, ce qui signifie : je te donne une outarde ! » Enfin, juste avant de nous quitter, Michel saisit sa guitare et nous gratifie d’une petite chanson en nous incitant à danser en rond, comme on le ferait autour d’un feu. Des moments simples, mais innu-bliables !

Michel Kanapé, membre de la communauté Innu, montre une peau de loup
Michel Kanapé récupère la bannique cuite à la braise dans le sable
Eric Kanapé, de la nation Innu
Michel Kanapé, de la nation Innu

Le pow-wow de Wendake (juillet 2022)

Comme le pow-wow de la nation huron-wendat se tenait la veille de mon départ, je suis donc retourné à Wendake pour assister à cette grande fête traditionnelle. En un mot comme en mille, c’était gé-nial ! On ne peut pas comprendre la notion même de communauté autochtone au Canada, si l’on n’a pas assisté à un pow-wow. D’abord, il faut passer devant les stands alignés le long de la rivière Akiawenrahk’ (Saint-Charles) pour voir à quel point l’artisanat est développé dans cette communauté, ce qui permet de faire vivre de nombreuses familles. J’y ai rencontré Lara Sioui, une jeune femme associée avec sa mère, qui vend sous la marque Onquata des pagaies décoratives en bois de frêne fabriquées pardes femmes de la communauté. Elle a le projet d’ouvrir un écomusée où l’on pourra les voir travailler. Jason Picard, lui, vend des mocassins en cuir d’orignal, les seuls à être entièrement « made in Wendake ». Un groupe d’ados vend des bols de sagamité (la soupe traditionnelle aux « trois sœurs », à savoir le maïs, la courge et le haricot) et des morceaux de bannique… Je n’ai pas pu assister à toutes les animations (ça dure trois jours !), les ateliers culinaires, les démonstrations (technique de perlage, laçage de raquettes traditionnelles, fabrication de capteurs de rêve…), les expositions, les conférences, ni les concours de danse… Car ce festival de dimension nationale réunit plus de 200 danseurs et danseuses des 11 nations autochtones du Québec, qui affirment ici leurs différences et la richesse de leur folklore. Une seule après-midi m’a suffi pour ressentir à quel point tout cela était authentique, viscéral, profond… Lorsqu’un jeune ou un ancien revêt son régalia, son habit d’apparat aux couleurs chatoyantes, décoré de perles et de plumes, il ne le fait pas pour l’allochtone ou le touriste, il le fait pour lui, parce qu’il en est fier, et que cela représente sa culture, ses racines. Au fil de l’après-midi se succèdent dans le cercle de danse les danses rituelles de leurs lointains ancêtres, qui se sont transmises de générations en générations : la danse des hommes, celle des femmes, du châle, du serpent, etc… Le tout rythmé par le tambour omniprésent et obsédant, et par le chant mélodieux de Keyara (dont j’ai parlé plus haut). C’est la fille de Wadohandik (Steeve Gros-Louis), le chef de la compagnie Sandokwa (aigle), qui comprend aussi son fils Dew-Hata. A la fin, tout le public est invité à se joindre aux danseurs et à tourner autour du tambour, d’un pas saccadé et répétitif qui invite à la transe. Un grand moment de communion et de partage intergénérationnel qui illustre à quel point la culture de ces autochtones est vivante et importante pour eux. Je suis admiratif et un peu envieux… Ils n’ont pas oublié d’où ils viennent et savent où ils vont !

Pow-wow de Wendake 2022

Voyage pratique

Y aller

Air Transat propose des vols Paris/Québec, à partir de 350 € A/R en classe Eco, et 996 € en classe Club. www.airtransat.com 

Séjourner

A Wendake : Hôtel des Premières Nations (4*) : magnifique boutique-hôtel situé au bord de la rivière Saint-Charles. A partir de 150 €/p en 1/2 pension, avec Onhwa Lumina. www.hotelpremieresnations.ca

A Essipit : Condo-hôtel Natakam : dans une crique paradisiaque fréquentée par les phoques et les dauphins. A partir de 160 € le gîte de 4 p. www.vacancesessipit.com

Condo-Hôtel Natakam

Savourer

A Québec : La Sagamité, rue St-Louis : Steeve Gros-Louis a créé ce restaurant pour faire découvrir la gastronomie des Premières Nations aux visiteurs du Vieux-Québec. Le filet de doré est excellent ! Compter 80 € pour le menu « Yatista » (feu en innu) avec soupe, viandes de gibier grillées au feu à table (très spectaculaire !), et tarte à l’érable. https://sagamite.com/

Yatista à la Sagamité

A Wendake : La Traite, le restaurant de l’hôtel des Premières Nations. Le chef Français Marc de Passorio a fait plusieurs immersions au sein de communautés autochtones du Canada, et il propose une carte de saison mettant en valeur les produits du terroir. https://restaurantlatraite.ca/

A Wendake : Nek8arre : le restaurant du site traditionnel huron propose une cuisine traditionnelle essentiellement à base de viande de gibier (wapiti, chevreuil et bison) et de poissons (truite et saumon). Rustique et authentique ! www.huron-wendat.qc.ca

Aux Escoumins : le restaurant-poissonnerie des Pêcheries Manicouagan est parfait pour se régaler de poissons tout juste pêchés, homard ou crabe des neiges, il y a même une poutine aux fruits de mer ! Compter environ 30 €/p. https://poissonnerieescoumins.com/

Crabe et homard aux Escoumins

Se renseigner

www.explorezcanada.fr  et  www.tourismeautochtone.com

Oh, un orignal !