La vanille de Tahiti

Ah, la Polynésie, ses vahinés, ses lagons, ses motus… Saviez-vous que sous ces cieux idylliques s’épanouit une orchidée dont les gousses donnent la meilleure vanille du monde ? Une vanille au parfum unique dont se sont entichés les grands chefs du monde entier ! Allons voir sur place comment est produite cette vanille d’exception…

La vanille de Tahiti
Polynésie Française Raiatea Mihilani, serveuse au restaurant de l’hôtel d’Opoa, montre quelques gousses de vanille de Tahiti

 

Île de Raiatea, Opoa, 7 h du matin. Cela fait déjà une heure que Désirée et Charlie travaillent dans leur vanilleraie. Les lianes de cette orchidée s’enroulent autour d’un arbre qui lui sert de support et qui apporte l’ombre dont la plante a besoin. Charlie répartit du compost à base de noix de coco au pied de chaque plant, et élague les branches de l’arbre-tuteur (souvent un flamboyant) pour que Désirée puisse accéder aux fleurs. En effet, contrairement à sa cousine d’Amérique centrale qui bénéficie de l’aide d’une abeille pollinisatrice, la vanille polynésienne a besoin d’une fécondation manuelle. Avec une délicatesse de chirurgienne, et un cure-dent en guise de bistouri, Désirée déchire et repousse la fine languette (le labelle) qui empêche tout contact entre les étamines et le pistil, et appuie fermement avec le pouce pour que le pollen imprègne bien le pistil. « Il ne faut pas l’écraser non plus ! C’est un travail minutieux et délicat, c’est pour cela que ce sont surtout les femmes qui s’en chargent… » plaisante Désirée. Chaque jour, entre juin et août, elle « marie » entre 1000 et 2000 fleurs de 6 h à 11 h du matin, car après, la chaleur change la structure du pollen et compromet l’efficacité de la fécondation. Neuf mois après, la plante s’est chargée de grandes gousses vertes, de 12 à 30 cm de long. Si le planteur laisse la vanille mûrir encore, les gousses vont jaunir, puis brunir et noircir à leur extrémité, mais sans éclater. C’est ce qui la distingue de la vanille Bourbon (vanilla planifolia), qui est déhiscente, c’est-à-dire qu’elle se fend sur pied. Ici, la vanille de Tahiti (vanilla tahitensis) ne s’ouvre pas, et les producteurs peuvent la cueillir à maturité, quand elle est à son paroxysme de goût et d’arôme…

 

L’affinage des gousses, tout un art

Lorsqu’on se promène à Tahaa ou à Raiatea, les ateliers de préparation de l’or noir local ne sont pas difficiles à repérer. C’est là où ça sent bon ! Dans l’air chaud et humide de ces enivrants tropiques, on a l’impression d’avoir ouvert la porte la porte d’un four où cuirait un gâteau géant… En l’occurrence, l’atelier que j’ai visité à Raiatea est un container bleu, appartenant à Alain Abel, fondateur de Tahiti Vanille, une entreprise qui prépare et exporte près de 50 % de la production de vanille de la Polynésie française. Il achète la vanille mûre à de petits producteurs, provenant de vanilleraies naturelles en sous-bois, ou sous ombrière. Une ombrière, c’est une sorte de serre abritée sous un filet d’ombrage, permettant de recréer artificiellement les conditions de luminosité et d’irrigation satisfaisants aux exigences du vanillier. Les plants sont accrochés à des tuteurs en bois ou en béton, eux-mêmes fixés dans des bacs à substrat remplis du compost approprié. De la culture intensive, donc, mais qui peut produire de la vanille de très bonne qualité. Comment arrive-t-on à ces gousses grasses et luisantes, à la robe ridée, et au parfum capiteux et sucré ? Vito, préparateur chez Alain Abel, me l’explique : « Après la cueillette, les gousses mûres bien brunes sont rincées dans l’eau, égouttées puis séchées plusieurs mois durant, par alternance d’exposition à la lumière et à l’ombre. Tout dépend de la météo, on essaye d’exposer les gousses au soleil deux à trois heures par jour, puis on les rentre dans leurs sacs en coton à la moindre averse, et elle étuvent. Ce processus dure de un à trois mois ». Il s’agit donc d’un affinage, et pour qu’il soit optimal, c’est tout un art, et cela requiert beaucoup d’expérience. Certains préparateurs vont jusqu’à masser les gousses une à une pour les assouplir ! Enfin, lorsqu’elle sont mûres à point et qu’elles passent sous le seuil des 38 % d’humidité, les précieuses gousses sont triées, calibrées, empaquetées… et expédiées vers l’Europe, les Etats-Unis ou le Japon, partout où des gastronomes connaissent l’arôme inimitable de cette vanille d’exception. Les producteurs qui ne préparent pas eux-mêmes leurs gousses, les vendent une fois par mois aux enchères, sous le contrôle d’un comité de surveillance, qui s’assure de la maturité et de la qualité des gousses. Il ne s’agirait pas de nuire à la réputation de la vanille de Tahiti !

 

Des crus de vanille, comme pour le vin

L’arôme particulier de la vanille de Tahiti, c’est Alain Abel qui en parle le mieux. C’est logique, il produit de la vanille d’ultra-haute qualité, sélectionnée chez les meilleurs producteurs des trois îles Sous-le-Vent que sont Raiatea, Tahaa et Bora-Bora. « Bien qu’elle contienne moins de vanilline que la vanille Bourbon, notre vanille développe des arômes uniques et puissants grâce à deux molécules, l’acide para-hydrobenzoïque et surtout l’ethylvanilline, aux arômes trois à quatre fois plus intenses que celui de la vanilline. » Ses parfums sont si puissants qu’une légende prétend qu’à l’époque où la Polynésie produisait 300 t de vanille/an (seulement une vingtaine aujourd’hui…), à la saison du séchage, les marins devinaient les côtes de Tahiti avant de les apercevoir, tellement l’air embaumait la vanille ! Les pâtissiers  connaisseurs confirmeront qu’un tiers de gousse de Tahiti confère autant d’arôme de vanille qu’une gousse entière de vanille Bourbon (et même 2 ou 3 s’il s’agit d’une qualité médiocre de Madagascar…). C’est pourquoi Alain Abel a comme clients des chefs étoilés (Guy Savoy, Alain Ducasse, Alain Passart, Anne-Sophie Pic…) ainsi que les plus grands pâtissiers de la capitale. Les plus fins connaisseurs distinguent même des crus dans cette vanille des îles Sous-le-Vent. Alain Abel promet, dans le grand cru de Raiatea « de délicieuses saveurs de caramel et d’anis avec une allonge onctueuse mariant des arômes de bonbons », et dans celui de Bora-Bora « de suaves arômes de pruneaux, vanille, réglisse et chocolat », tandis que le grand cru de Tahaa développe « un bouquet aromatique fruité, suave et prolongé de sublimes notes florales ». Vous l’aurez compris, sa vanille est un produit de luxe qui s’achète environ 5 € la gousse. Mais on la trouve à 2 € la gousse sur place ! Une raison comme une autre de prévoir un voyage en Polynésie… (voir dans Destination : https://wp.me/p8pVhv-62 )

 

Le saviez-vous ?

Le nom vanille dérive du latin vagina qui signifie gaine, gousse ou étui.

La production de vanille de la Polynésie représente moins de 1 % de la production mondiale.

 

Vente par correspondancehttps://www.tahiti-vanille.com/index.php

La vanille de Tahiti

Polynésie Française Tahaa Vanilla Tahitensis

 

Merci à Air Tahiti Nui pour m’avoir transporté vers ces cieux paradisiaques !

https://www.airtahitinui.com/fr

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