La galette de blé noir

C’est la crêpe traditionnelle bretonne, celle que l’on déguste sur les marchés avec une saucisse, ou qui accompagne dans les crêperies toutes sortes de garnitures. Sa composition est simplissime – farine de blé noir, eau, sel – mais sa confection exige de la pratique ! J’ai soutiré leurs secrets à deux crêpiers réputés…

Galettes bretonnes
Galettes au blé noir de Bretagne

Sur le marché de Vitré, Nadine Kerouredan est connue comme le loup blanc, et bien avant midi, des gourmands de tous âges font la queue devant son camion ambulant en dévorant des yeux les galettes qui cuisent sur ses billigs. D’un geste rapide et sûr, Nadine verse une louche de pâte à crêpe sur la plaque en fonte brûlante, et la répartit sur toute la circonférence à l’aide de la rozell (petit bâton en bois), ce qui créé à chaque fois un petit nuage de vapeur, faisant naître chez les passants l’irrésistible envie de s’arrêter… D’autant plus que du fond du camion, s’échappent les odeurs encore plus appétitives de saucisses grillées ! Certains habitués lui en prennent une douzaine qu’ils compléteront à la maison, d’autres la dévorent nature encore chaude, mais la plupart des clients optent pour la galette-saucisse-moutarde, l’équivalent Breizh du hot-dog, qui fait fureur à la mi-temps de tous les stades bretons. A la question de savoir pourquoi les bretons ne font pas leurs propres crêpes s’ils aiment tant ça, Nadine répond : « La galette au blé noir paraît simple, mais elle se rate facilement ! La pâte doit être liquide mais pas trop, et il faut ajuster la quantité d’eau en fonction de la température extérieur et de l’hygrométrie ! Idem pour la cuisson, tout le monde n’a pas un billig, et il faut une cuisson à 200 °C pour que la crêpe croustille tout en gardant son moelleux ! Et puis bien sûr, il faut de la farine de bonne qualité, c’est le plus important ! »

 

Une farine bretonne de qualité

La farine ! Bien sûr, c’est l’ingrédient principal de la galette, avec l’eau et le sel. Le blé noir, qu’est-ce que c’est au juste ? D’abord, ce n’est pas une céréale, mais c’est la graine du sarrasin, une plante qui appartient à la famille des polygonacées, comme la rhubarbe ou…l’oseille. Le sarrasin possède néanmoins des qualités nutritionnelles proches de celles du blé, mais sans contenir de gluten. Il est riche en acides aminés, en fibres solubles (donc excellent pour le transit intestinal), et en composés antioxydants. Importé du Proche-Orient par les Croisés et popularisé par Anne de Bretagne, le blé noir est devenu la base de l’alimentation des Bretons dès le XVIème siècle, ceci jusqu’au milieu du XXème siècle. En 1960, on cultivait encore 100 000 ha de blé noir en Bretagne, mais vingt ans plus tard, seulement quelques centaines d’hectares ! Avec l’industrialisation de l’agriculture, les cultivateurs ont remplacé le sarrasin par d’autres céréales, jugées plus rentables, et plus faciles à vendre. Heureusement, l’association « Blé noir tradition Bretagne », née en 1987, a réussi à obtenir l’IGP et à maintenir cette culture localement. Aujourd’hui, il s’en cultive entre 3000 et 4000 ha en Bretagne, et les petits grains gris sont broyés par des minoteries soucieuses de qualité et de préservation de l’environnement, telle que celle de Pierre Bertho à Guéhenno, ou de Jean-Pierre Leroux à Bain-de-Bretagne, qui a mis 5 ans à restaurer un moulin à vent afin de fabriquer de la farine de blé noir à l’aide de deux meules en silex mues par un système d’engrenages en bois. Ces minotiers produisent une farine d’excellente qualité, bien plus savoureuse que la farine d’origine chinoise que certains crêpiers peu scrupuleux utilisent dans leur crêperie, fixe ou ambulante…

La recette

Pour savoir comment faire une bonne galette de blé noir, je suis allé voir Jean-Philippe Moy, maître-crêpier, et formateur à Questembert, dans le Morbihan. Dans son atelier aux multiples billigs, il reçoit des gens, bien souvent en reconversion, qui souhaitent ouvrir leur petit stand de crêpes… D’emblée, il prévient : « la recette est simple, mais rien ne remplace la pratique, tout est dans la nuance, et si vous voulez vraiment réussir la galette bretonne, il faut en faire des tas et des tas… ou venir en stage ! » Voici toutefois les proportions à respecter : 1 kg de farine de blé noir de Bretagne, 2 l d’eau, une grosse poignée de sel (30 g) de Guérande de préférence. Délayer la farine et le sel en ajoutant l’eau progressivement sans cesser de fouetter, bien aérer la pâte et mélanger jusqu’à obtenir une pâte fluide mais qui forme un ruban à la spatule. Le secret extorqué à Jean-Philippe est le suivant : ne pas utiliser les 2 l d’eau mais, entre 1 l et 1,5 l. Laisser reposer la pâte 24 h au réfrigérateur (pour que la fermentation agisse), et la réhydrater le lendemain avec le complément d’eau jusqu’à ce qu’elle ait la consistance voulue. Si vous ne disposez pas de krampouz, la marque phare du traditionnel billig breton, faites-les cuire à la poêle avec une noisette de beurre, mais souvenez-vous du conseil de Nadine, elle doit être très chaude… Certaines personnes ajoutent un œuf à la pâte, cela apporte un peu d’onctuosité, mais c’est optionnel. Il y en a même qui utilisent un peu de farine de froment et du lait, car en fait, il y a autant de recettes de crêpes que de billigs en Bretagne ! Mon conseil : commencez par la recette de base, et adaptez-la à votre goût 🙂

Allez, kenavo !

Merci à :

– Nadine Kerouredan, de « La Galette vitréenne », camion ambulant présent sur les marchés de Rennes, de Vitré et d’Argentré-du-Plessis.

– Jean-Philippe Moy, La Croix Verte, 56230 Questembert

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