Les îles de la mer d’Iroise

Au large du Finistère, la mer d’Iroise est parsemée d’un archipel d’îles et d’îlots qui constituent les terres les plus occidentales de notre territoire. Ces petits bouts de terre arrachés au continent sont des réservoirs de biodiversité, et représentent un condensé de Bretagne dans ce qu’elle a de plus authentique et de plus sauvage. Les trois plus grandes îles sont habitées, voici pourquoi il faut s’y rendre sans plus attendre…    

Ouessant, la Bretagne comme on l’aime

Ouessant est un petit bout de Finistère fiché dans l’océan, qui concentre le meilleur de la terre et de la mer de Bretagne. 

FINISTERE - Ile de Ouessant
Eglise de Lampaul

 

Un coup de sirène bref et puissant, et le Fromveur II, qui relie quotidiennement Brest à l’île d’Ouessant, s’éloigne du quai en provoquant de gros remous. Sur le pont, une brise marine fraîche et iodée picote les joues et donne un goût salé aux lèvres. On respire un grand coup, et c’est toute la Bretagne qui s’engouffre dans les poumons. Ah, le bon air ! Le bateau fend vaillamment la houle, accompagné de quelques goélands, et la crête écumeuse des vagues forme comme un immense troupeau de moutons gambadant sur la mer d’Iroise (*). Si le temps le permet, restez sur le pont, vous verrez peut-être les dos argentés et bombés d’une bande de dauphins, ou les museaux noirs et poilus des phoques qui ont élu domicile autour de l’archipel de Molène, où le bateau fait escale. Après deux heures et demie de cure d’iode, vous atteindrez le port du Stiff, où attendent plusieurs loueurs de vélos. Comme les voitures sont interdites (à part les taxis et celles des insulaires), c’est le meilleur moyen de découvrir Ouessant, une île relativement plate de 8 km sur 3 km, la plus grande du Finistère. Toutefois, comme les sentiers côtiers sont interdits au vélo, vous pouvez aussi opter pour la rando. Des balades en boucle balisées, d’une dizaine de km chacune, permettent de faire le tour de l’île par les sentiers côtiers. Si vous optez pour le vélo, depuis le débarcadère, vous aurez deux options : en partant sur votre gauche vous rejoindrez Porz Arlan, un port minuscule orienté au sud et dont la digue protège une belle plage de sable ; et en partant à droite, en quelques coups de pédales, vous atteindrez le phare du Stiff. Du haut de sa lanterne vous découvrirez une dentelle de rochers écumants où, à toutes les époques, sont venus s’empaler toutes sortes de navires. La faute aux puissants courants qui brassent entre les îles de la mer d’Iroise, tel le redoutable Fromveur, signalé par les phares de la Jument et celui du Kéréon. Mais cela ne décourage pas les pêcheurs, qui sortent leurs filets et leurs lignes dès que la mer en furie se calme tant soit peu. Il reste deux pêcheurs professionnels, et tous les anciens marins ont conservé un petite coque pour taquiner le bar ou piéger le homard aux beaux jours… Le nez au vent, vous roulerez sur les petites routes bordées de murets de pierres sèches, ou à pieds sur les sentiers qui sillonnent l’île jusque dans ses recoins les plus sauvages. C’est-à-dire les pointes recouvertes d’herbe rase, hérissées de rochers aux formes d’animaux fantastiques ; les cales verdies par le goémon, où se blottissent quelques barques esseulées ; les petites criques et les plages, justes assez grandes pour étendre sa serviette ; les landes impénétrables d’ajoncs et de bruyères, où des lapins détalent à votre passage… Les moutons prés-salés s’abritent derrière leur gwasked, un muret de terre ou de pierre, ou paissent tranquillement dans les champs. Il y en a autant que d’habitants, c’est-à-dire plus de mille ! Au printemps et durant l’été, les brebis sont attachées et s’occupent de leurs agneaux, mais le jour de la St-Michel, les moutons sont lâchés et vont brouter en liberté les landes herbeuses imprégnées d’embruns. C’est d’ailleurs pour cela qu’on les appelle les prés-salés ! Quelques moulins habilement restaurés offrent aux quatre vents leurs ailes en forme de râteaux. Juste pour la forme, car il y a longtemps qu’on ne cultive plus rien sur l’île… Ca et là, vous vous arrêterez pour admirer une maison ouessantine aux volets bleu outremer, une girouette originale, ou un jardinet fleuri. Musardez, flânez, humez l’air du large et la bonne odeur de tourbe qui s’échappe des cheminées, et n’ayez pas peur de vous perdre : tous les chemins mènent à Lampaul, ou vers son port ! Mais c’est certainement la faim qui vous ramènera au bourg. L’appétit aiguisé par l’effort et par l’air marin, vous vous régalerez de crêpes au froment ou d’un plateau de fruits de mer, à moins que vous n’ayez commandé la veille chez Jacky ou à La Duchesse Anne un buadenn, un ragoût d’agneau cuit sous les mottes, la spécialité de l’île. Si des devantures de magasins vous font des clins d’œil, n’hésitez pas à entrer pour voir la maquette de bateau ou les chaussons en laine qui vous font envie. Passez aussi à la boucherie pour faire provision de silzic, une saucisse fumée à la tourbe. En fin d’après-midi, rendez-vous à la pointe de Porz Doun pour voir le soleil peindre la mer en rouge, puis, lorsque le dernier rayon bascule, vous verrez s’allumer le phare du Créac’h, sur la pointe de Pern, en face, et plein d’autres petits feux aux quatre coins de l’horizon. Enfin, impossible de séjourner à Ouessant sans passer une soirée au pub « Ty Korn ». Certains soirs, de vieux loups de mer entonnent en chœur de poignantes chansons de marins, gaies ou tristes, qui feront chavirer le vôtre (de cœur…). Après de telles journées, saturées d’iode et d’émotions, le sommeil viendra facilement. Sinon, c’est l’endroit idéal pour compter les moutons !

(*) : L’origine du mot « iroise » n’est pas clairement établi. Certains historiens le font dériver de la dénomination bretonne vernaculaire hirwaz, pouvant signifier long chenal. Pour d’autres, il pourrait s’agir du mot breton ervoas qui signifie l’abîme, l’océan profond. Mais la référence étymologique la plus vraisemblable est tirée du dictionnaire universel français et latin de Trévoux, rédigé par les Jésuites au XVIIIème s. « Irois, oise » signifie occidental, et est employé pour qualifie les Irlandois, le peuple le plus occidental de l’Europe.   

Deux passionnants musées

Et s’il pleut ? Et bien vous aurez moins de scrupules à passer du temps dans les deux musées de l’île. L’écomusée du hameau Niou Uhella présente dans deux maisons traditionnelles en granit l’habitat et le mode de vie à Ouessant au siècle dernier. Les pièces minuscules sont occupées par les lits clos et les vaisseliers confectionnés avec du bois d’épaves. Vous découvrirez des coutumes étonnantes, comme celle de la demande en mariage : la jeune fille apportait un gâteau à son fiancé, et s’il le mangeait, il l’acceptait pour épouse. Le musée évoque aussi la tradition de la proëlla. Lorsqu’un marin disparaissait en mer, famille et amis se retrouvaient pour une veillée funèbre autour d’une croix de cire dite « croix de proëlla ». Le lendemain, après la cérémonie religieuse, la croix était transportée en procession au cimetière, près de l’église, et déposée dans un discret mausolée que l’on peut voir encore aujourd’hui.

C’est naturellement sur le site du phare du Créac’h, l’un des plus puissants du monde, que se trouve le musée des phares et balises. Vous découvrirez l’histoire héroïque des bâtisseurs de phares, les lentilles gigantesques et les techniques employées pour porter la lumière le plus loin possible. On comprend l’importance de ces signaux dans une île comme Ouessant, entourée d’écueils et de violents courants, qui était surnommée « l’île d’épouvante »… Un funeste dicton marin présageait même : « Qui voit Ouessant, voit son sang ! ». Mais on dit aussi « Qui voit Molène, voit sa peine » et « Qui voit Sein voit sa fin » ! Optimistes ces bretons, non ?

FINISTERE - Ile d'Ouessant
Au musée des phares et balises

 

Molène, le bol d’air

A mi-chemin entre le Conquet et Ouessant, Molène est un bout de caillou de 1,2 km sur 800 m. L’endroit a été classé réserve de biosphère par l’UNESCO. On y respire, dit-on, l’air le plus pur du monde…

FINISTERE - Ile de Molène

En breton, moal enez, dont on a fait Molène, signifie « île chauve ». C’est l’île principale d’un archipel, un semis d’îlots déserts, seulement fréquentés par une faune spécifique, et battus par les vents. Trois d’entre eux sont classés « réserve naturelle » : l’accès à Balaneg et Trielen est sévèrement réglementé, mais aller sur Banneg est interdit : il abrite la plus importante colonie de pétrels tempête de France. On peut circuler autour en bateau pour observer l’animal symbole de cette mer d’Iroise : le phoque moine. Ce petit monde est surveillé de près par la Maison de l’Environnement Insulaire. Vous y apprendrez tout sur la faune, la flore et le patrimoine de l’archipel. Dans l’église St-Renan, sont exposés les précieux objets cultuels offert par la Reine Victoria, et de curieux ex-voto. Regardez bien la goélette pendue à sa corde de chanvre : l’avant du bateau donnerait le sens des vents à venir…

Promenez-vous le long des chemins creux et des ribines, ces ruelles étroites exemptes de véhicules. Les brouettes sont les seules « voitures à une roue » de l’île ! A Molène, pas ou peu de culture : on cultive le plaisir du temps qui passe… Le soir, les Molénais viennent bavarder sur le port, près de l’abri du canot de sauvetage où des peintures murales racontent la petite histoire de l’île. Prenez le temps de visiter le petit musée communal qui est situé dans la cour de la mairie. Il vous racontera l’histoire poignante du naufrage du Drummond Castle, ce navire qui faisait la ligne entre l’Afrique du Sud et l’Angleterre, qui s’est perdu dans le brouillard et qui s’est fracassé sur un écueil en faisant 400 victimes… Il y a eu trois survivants, et la reine Victoria récompensa les îliens qui leur ont porté secours en offrant un ciboire et une horloge pour l’église, ainsi qu’une citerne pour récupérer l’eau de pluie. Il faut dire que l’eau est une denrée précieuse, ici. C’est peut-être pour cela que les vieux marins boivent autant de whisky !

 

Sein, une île de caractère

Aplatie sur l’horizon comme une galette, l’île de Sein a l’air d’un mirage, et semble pouvoir disparaître sous les flots au moindre coup de vent. Détrompez-vous, cette île a du caractère et de la résistance !

FINISTERE - Ile de Sein
FINISTERE – Ile de Sein

Naviguer vers l’île de Sein offre un grand privilège : longer les falaises du Cap Sizun, voir la pointe du Raz depuis la mer, et doubler le phare de la Vieille où tanguent les « lignards » d’Audierne venus taquiner le bar. Un spectacle qui ne dispense pas d’affronter ensuite le clapot qui chahute toujours cette zone considérée comme une des plus redoutable de la côte bretonne. La navette accoste au pied de Men Brial, le phare vert et blanc. Dès que vous avez posé le pied sur cette terre étroite et sans arbres, plate comme la main, le sentiment de débarquer dans un endroit spécial est très fort. Une sorte de bout du monde. Sur le quai des Paimpolais, la mode vient aux crépis colorés, mais il reste quelques maisons blanches aux volets bleus qui se serrent dans d’étroites ruelles que l’on dit suffisamment larges pour laisser passer les barriques… Au cœur du village, l’église a été construite avec du granit venu du continent. Nos lointains ancêtres, eux, ont pris celui de l’île pour ériger les « Causeurs », deux mégalithes encore debout. Vous irez marcher le long de la côte sauvage, aux rochers perclus de légendes, et vous flânerez sur la lande raclée par les vents, parfois submergée par les grandes marées. Au pied du Grand Phare, la petite chapelle saint Corentin résiste héroïquement aux éléments naturels. Mais c’est d’un autre héroïsme dont les îliens sont le plus fiers : en 1940, à l’appel du Général de Gaulle, les Sénans sont partis pour l’Angleterre. Ils représentaient le quart des volontaires de la France libre ! Le monument des Sénans Libres commémore cet acte de patriotisme : devant la croix de Lorraine, un marin que le temps a habillé de mousse jaune se tient debout face à l’océan. Cette histoire est évoquée dans l’ancien Abri du Marin, qui est maintenant réunie avec l’ancien Abri du Canot de Sauvetage en Mer pour former un musée d’histoire locale et d’arts et traditions populaires. L’unique occasion de voir, sur un mannequin, le costume et la coiffe de l’île que presque plus personne ne porte. Vous y découvrirez aussi de récurrentes et douloureuses histoires de naufrages. Souvenirs et vestiges sont conservés dans des vitrines. Dans l’entrée du musée sont alignés les bottes et le cirés des bénévoles toujours prêts à prendre la mer en cas de besoin. Il est vrai que dès que ça souffle, les lames viennent s’écraser sur la digue en projetant des geysers d’écume, et c’est très impressionnant…

Le peintre de la lumière et de la mer

Didier-Marie Le Bihan se dit peintre de la lumière. Dans son atelier ouvert sur la mer, il peint des tableaux en glacis selon la complexe technique du clair-obscur. Souvent, il intègre des paysages de l’île dans ses peintures. Travaillant « en transparence », il lui faut entre deux et six ans pour terminer une œuvre. A défaut d’être pointilliste, ce peintre pointilleux ne vend que par Internet, selon un savant jeu d’enchères. Mais,  « s’il n’y a pas d’émotion qui passe, ça ne sert à rien ! » affirme-t-il. Il ne vend donc qu’à ceux qui se sont donnés la peine de venir le voir un jour sur son île…

www.didierlebihan.com

 

PRATIQUE

Pour Ouessant

Y aller

Au départ de Brest, 2 h 30 de navigation ; du Conquet 1 h 15. www.pennarbed.fr    

Se loger

De l’hôtel au camping en passant par les chambres d’hôtes ou les locations à la semaine, vous aurez le choix pour passer la nuit à Ouessant. Belle vue sur la baie de Lampaul depuis l’hôtel 2* Roch Ar Mor. Chambres doubles à partir de 38 €. www.rocharmor.com

Se restaurer

Ty Korn, à Lampaul. Cuisine raffinée de poissons de ligne et de fruits de mer.

Crêperie du Stang, dans le bas du bourg de Lampaul.

A faire

Les plages de sable étant peu nombreuses à Ouessant, les activités sont tournées vers la mer. Vous pourrez pratiquer la voile, la planche à voile et le kayak de mer en vous adressant au centre nautique du Kornog, à Lampaul. Tél. : 06 56 88 21 29

Ondine Morin connaît son île comme sa poche et sait en parler. Guide interprète régional, elle propose de passionnantes balades-découvertes et des sorties nocturnes ou matinales très originales :  Tél : 06 07 06 29 02 et  www.kalon-eusa.com

 Artisanat

Pour se protéger du vent, les moutons d’Ouessant ont une toison épaisse, qui a toujours été utilisée pour fabriquer des vêtements en laine. Il reste quelques fileuses sur l’île qui utilisent la toison de leurs moutons, blancs ou marrons foncés, pour tricoter des pull-overs, des bonnets, ou des chaussettes en pure laine vierge. Ils sont mis en dépôt-vente dans les magasins de souvenirs du bourg. Allez par exemple à « l’Abri du Mouton », où Isabelle Patard a créé des souvenirs originaux (mobiles, objets décoratifs, cartes postales…) avec de minuscules moutons en fil de laine écrue ou teinte.

Se renseigner :  www.ot-ouessant.fr

 

Pour Molène

Y aller

Au départ de Brest, 1 h 45 de navigation ; du Conquet, 45 minutes. www.pennarbed.fr  

Se loger et se restaurer

L’Archipel : bar-restaurant proposant deux gîtes et trois chambres d’hôtes, tout vue mer. Spécialités de fruits de mer, ragoût de homard, et saucisse de Molène aux algues. www.archipelrestaurant.com

Artisanat : en haut de l’embarcadère, un atelier propose des cosmétiques biologiques marins aux algues de l’île Molène (gamme ALGALYS).

A faire : randonnées accompagnées en kayak de mer. Partez à la découverte des dauphins, loutres, phoques moines de l’archipel, avec Quentin Cuillandre. Breizh Kayal Evasion (06 56 74 65 84)

 Se renseigner :  www.molene.fr

 

Pour Sein

Y aller

Au départ d’Audierne, 1 h de traversée. www.pennarbed.fr  

Se loger, se restaurer

Hôtel-restaurant Ar Men : route du Phare. Chambre double à partir de 65 €, ½ pension à partir de 135 € pour deux personnes. Spécialités de poissons et ragoût de homard.  www.hotel-armen.net

Se renseigner  : www.mairie-iledesein.com

 

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