L’ananas Victoria de La Réunion

Connaissez-vous cette variété d’ananas de petite taille, très sucré, juteux et parfumé, qui porte le nom de la reine Victoria ? Si la réponse est non, cet article va répondre à toutes les questions que vous vous posez sur ce fruit méconnu, qui est pourtant considéré par les grands chefs comme le meilleur du monde !

Ananas Victoria de La Réunion
L’ananas Victoria de LA REUNION A la maison de l’ananas, au Tampon, chez Bertrand Bègue Champ d’ananas mûrs

Le Tampon, île de La Réunion, 7 h du matin. Il fait déjà chaud, ce matin ensoleillé de décembre, en plein champ d’ananas de la plaine des Cafres. Sous son chapeau de cowboy, Bertrand Bègue inspecte ses rangées de plants d’ananas, afin de déterminer si les fruits sont mûrs. Muni de gants de caoutchouc qui remontent jusqu’au coude (car les longues feuilles aux bords dentelés sont coupantes) et d’une machette bien affûtée, il coupe d’un geste sûr ceux qui ont atteint le degré de maturité souhaité, et les dépose délicatement dans des cagettes. Cela fait déjà une heure qu’il est au travail, et en guise de petit déjeuner, il épluche un ananas avec une virtuosité stupéfiante, en découpant des lanières circulaires pour ôter les yeux du fruit. Puis, le tenant par sa couronne de feuilles, il croque dans la pulpe à pleines dents avec un plaisir non dissimulé : « Lé bon l’ananas tout frais, c’est meilleur qu’un gâteau pour moi ! » En 2 secondes il est avalé, car le cœur de l’ananas Victoria, très tendre, se mange aussi, contrairement à celui des gros ananas que l’on trouve en métropole dans les supermarchés, en provenance de Côte d’Ivoire ou d’Amérique Centrale. Au fait, d’où vient l’ananas ?

 

Originaire d’Amérique du sud, l’ananas fut introduit en Europe au XVème siècle par Christophe Colomb, qui ramena ce fruit sauvage de Guadeloupe.  Louis XIV essaya, sans beaucoup de succès, d’en faire cultiver dans les serres du château de Choisy-le-Roi, et décida de faire les premières mises en cultures en 1606 sur l’île Maurice. La plante s’acclimata très bien à l’Océan indien, et fut introduite sur l’île de La Réunion en 1668. Là, sur les basses pentes fertiles du Piton de la Fournaise, l’ananas Victoria trouva sa terre promise. Aujourd’hui, on trouve des parcelles un peu partout dans l’île, depuis le littoral jusque dans les Hauts. Mais toujours à moins de 1000 m d’altitude, la température jouant sur la croissance végétative de l’ananas : plus il est cultivé dans les hauts, plus ce cycle est long. Aussi, pour être rentables, les cultures d’ananas doivent être situées relativement bas, et n’être ni trop exposées aux pluies, ni à la sécheresse. Exactement comme les terres de Guy Ethève, autre cultivateur qui est aussi directeur de SCA fruits de La Réunion, la plus grande coopérative de l’île. Il explique le cycle végétatif de la plante :  » Entre la plantation et la récolte, il faut entre 15 et 18 mois selon les conditions climatiques. 10 mois pour faire pousser la plante jusqu’à la floraison, et 6 mois pour faire pousser l’ananas de la fleur au fruit mûr. En général, le cycle naturel consiste à laisser le froid d’hiver « stresser » la plante pour qu’elle fleurisse et donne des fruits bien mûrs en été (donc l’hiver pour la métropole). Mais il est possible de « forcer » cette floraison avec une hormone de synthèse, afin d’avoir des ananas à récolter de juin à septembre. Bien entendu, ces fruits seront moins sucrés que ceux récoltés de décembre à mars… » Ce que confirme Bertrand Bègue : « Les bons ‘zananas’, ils prennent le temps de mûrir, 18 mois ici à 950 m d’altitude, contre 12 mois au bord de la mer : cela leur donne le temps de se gorger de parfums et de sucre ! »

Une fois l’ananas cueilli à la main, on prélève à son pied des rejets que l’on replante sur terre bâchée. Puis chaque pied est arraché et broyé, et sert à enrichir la terre qu’on laisse en général reposer une ou deux saisons avant de la replanter en ananas. Bon an, mal an, 12 000 t d’ananas Victoria sont produits chaque année à La Réunion, dont environ 2000 t partent à l’exportation. Une partie seulement de ces « ananas-avion » bénéficie du Label Rouge, garantissant un mode de culture traditionnel (sans forçage de la floraison), et un fruit parfait au niveau de la forme comme du goût. Guy Ethève ajoute :  « Mais Label Rouge ou pas, tous nos ananas restent sains et ne sont traités qu’avec un seul produit, l’Aliette, destiné à lutter contre un champignon qui peut piquer de noir la chair du fruit ». Heureusement, l’ananas n’a pas d’autres ravageurs. Sous le chaud soleil réunionnais, chaque fruit d’or peut donc se charger de vitamines C, A, B1 et de broméline, une enzyme qui facilite la digestion. Comme le dit Bertrand : « l’ananas a une couronne sur la tête, car c’est le roi des fruits ! »

Ananas Victoria de La Réunion
L’ananas Victoria de LA REUNION

Comment le choisir et le préparer ?

A priori, les ananas Victoria de La Réunion sont tous bons, surtout s’ils portent le Label Rouge. Mais lors du choix, fiez-vous à son parfum, d’autant plus présent que le fruit est sucré.

Pour sa conservation, sa saveur risque de pâtir d’un long séjour dans un réfrigérateur. Il est conseillé de le garder 2 jours à température ambiante. Un ananas entamé doit cependant être gardé au frais et protégé par un film alimentaire.

En cuisine, l’ananas Victoria s’accommode de plusieurs façons : en carpaccio, à mariner dans un sirop vanillé ; en chips au four ou en chutney pour accompagner un foie gras. Cuit, il fait merveille avec du canard, un filet mignon, ou du fromage de chèvre. Flambé au rhum, c’est divin. Pressé avec une centrifugeuse, son jus est délicieux, et entre dans la composition de nombreux cocktails : rhum arrangé, punch, planteur, piña colada… Coupé en petits morceaux, il peut agrémenter des salades, sans parler des nombreux desserts, glaces ou confitures.

Astuce : l’ananas doit être employé de façon avisé en pâtisserie, car il empêche la bonne levée de la pâte. Il fait tourner le lait et empêche la gélatine de se solidifier. Mais pour y remédier, faites le cuire auparavant 15 minutes avec un peu de sucre !

Ananas Victoria de La Réunion
L’ananas Victoria de LA REUNION

Recette de chef : l’ananas rôti

Recette donnée par Marc Chappot, chef au Blue Margouillat (Saint-Leu)

Ingrédients

– 1 ananas Victoria

– 50 g de beurre

– 50 g de sucre

– 120 ml de rhum vieux

– piment d’Espelette

– glace vanille

Progression

Parer l’ananas : enlever le plumet et l’écorce. Tailler la chair en biseau pour retirer tous les yeux.

Faire revenir lentement l’ananas au beurre avec le sucre sur toutes ses faces pendant 40 minutes.

Pendant la cuisson, verser petit à petit du rhum vieux sur l’ananas.

Dressage de l’assiette

Déposer l’ananas sur une assiette de service.

Ajouter une quenelle de glace à la vanille

Napper l’ananas avec la sauce caramélisée (jus de cuisson).

Saupoudrer de piment d’Espelette.

Ananas Victoria de La Réunion
L’ananas Victoria de LA REUNION Marc Chappot, chef au Blue Margouillat (St-Leu).

Le saviez-vous ?

– Le mot ananas vient d’une langue amérindienne tupi-guarani. Dans cette langue, ce fruit est appelé « naná naná », ce qui signifie le parfum des parfums…

– De la famille des broméliacées, l’ananas est une plante tropicale qui ne tolère pas les basses températures (inférieures à 9-10°C). Le marché mondial de l’ananas est basé sur un petit nombre de variété qui sont le Cayenne et le Queen Victoria. Les ananas sont des fruits non-climactériques : une fois cueillis, ils ne mûrissent plus.

– Chaque « œil » de l’ananas était une fleur (mauve) de la plante.

Ananas Victoria de La Réunion
L’ananas Victoria de LA REUNION Champ d’ananas à St-Louis Ananas en formation

Se renseigner : Réunion Tourisme

Laisser un commentaire