Le veau fermier du Limousin

Le veau fermier du Limousin élevé sous la mère, c’est le nec plus ultra de la viande de veau. Un produit carné d’exception, détenteur du signe de qualité Label Rouge. Chez le boucher, ses prix s’envolent, jusqu’à 30 ou 40 €/kg. Pourquoi est-il si rare, qu’est-ce que cette viande a de si particulier ?

Veau sous la mère du Limousin
CORREZE Brignac-la-Plaine Vaches Limousines

 

Une production à vau-l’eau

Pour le savoir, rendons-nous dans le Sud-Ouest, en Corrèze, pour rencontrer quelques éleveurs. Ils ne sont pas très nombreux à conduire cet élevage exigeant, car il est beaucoup plus facile de mettre les veaux en atelier d’engraissement dès leur naissance ou presque, en les nourrissant d’excédents de lait et d’aliments reconstitués… Aujourd’hui, ce mode d’élevage fournit 90 % de la viande de veau consommée en France. Avant la Seconde Guerre mondiale, tous les veaux étaient nourris par leur mère, mais à partir des années 60, les pratiques intensives d’élevage inspirées de celles des USA devinrent la norme dans les campagnes, et les éleveurs se mirent à faire du hors-sol…  Fini le veau gras, on se mit à produire du veau de batterie, fade, qui rend de l’eau dans la poêle. Heureusement, à partir des années 2000, des éleveurs ont décidé de reprendre ce mode d’élevage « sous la mère », pour produire une viande de qualité sous label.

 

Une viande rouge… mais bien blanche

A Brignac-la-Plaine, Eric Paleyrie s’occupe d’un troupeau de 40 vaches allaitantes, qu’il met à l’herbe dès le début du printemps. Dès leur naissance, les veaux tètent le bon lait de leur mère, soit au champ, soit à l’étable. Une mère a généralement assez de lait pour le faire atteindre les 100 kg, et après, le veau peut téter une nourrice, jusqu’à atteindre 150 kg, le poids moyen d’un veau au moment où l’on l’envoie à l’abattoir. Il a alors entre 3 mois et 5 mois et demi, la fourchette d’âge définie par le Label Rouge. Le travail de l’éleveur est assez astreignant, car il doit être présent 2 fois par jour pour la tétée, qu’il contrôle. « Si la mère manque de lait, nous sommes autorisés à donner au veau un complément en poudre de lait vitaminé, agréé Label Rouge, au biberon. Il faut aussi surveiller qu’il ne mange pas trop de paille de sa litière, cela rendrait sa viande plus rouge… » Car élever un veau sous la mère, outre le bien-être ressenti par le veau (et par la vache, sans doute…) procure à la viande une tendreté, un goût délicat, et une couleur blanche qui est très appréciée par les gastronomes. Une couleur un peu trop rouge est même considérée comme un défaut par les puristes de la viande de veau…

 

Quand le veau de lait devient veau d’or

L’avant-dernière étape de la vie d’un veau élevé sous la mère, et pas la plus agréable, c’est quand on l’arrache à ses prés verts ou au confort de son étable pour le conduire à l’une des trois foires du Sud-Ouest (Brive-la-Gaillarde, Objat, Saint-Céré) où se vendent les veaux élevés sous la mère. A l’heure dite, les maquignons se pressent derrière les pauvres bêtes apeurées, leur regardent la couleur de l’œil, tâtent leurs muscles, écartent le poil de leur queue, bref jugent l’état général de l’animal, sa conformité et son engraissement. Ils font alors une offre à l’éleveur, un prix au kilo qui est toujours exprimé en Francs (!), et qui est âprement discuté. En général, la vente ne se conclut pas de suite, l’acheteur s’en va, va voir d’autres bêtes, revient… Mais comme l’éleveur ne veut pas repartir avec son veau, il cède généralement au prix voulu. Cela étant, l’affaire n’est pas mauvaise, puisqu’un veau de lait se vend en moyenne… 1500 € ! Eric Labeyrie le reconnaît, ce n’est pas un métier facile, mais le veau de lait sous la mère, c’est un peu son veau d’or…

 

Et en cuisine ?

La viande de veau de lait élevé sous la mère a un grain très fin et persillé, et un gras blanc satiné et onctueux. Très tendre, sa cuisson révèle son fondant et sa saveur délicate. Pour connaître les secrets de sa cuisson, rdv chez Francis, le très sympathique patron et chef du restaurant éponyme, situé devant le marché de Brive-la-Gaillarde. Cette adresse est une institution, ne serait-ce que parce que les murs et les plafonds sont recouverts de graffitis et de dessins humoristiques réalisés par ses amis caricaturistes ou dessinateurs, et par les personnalités, écrivains ou membres du show-business qui sont passés à sa table. Francis cuisine admirablement le veau, et prodigue ses conseils : « Cette viande doit cuire peu de temps. Si vous avez un carré de côtes, saisissez-le en cocotte à feu vif, puis mettez-le au four pendant 15 minutes à 170 °C. Avec du collier, faite une blanquette du tonnerre, et le tendron est parfait au barbecue… Et avec une escalope, pensez à faire du veau en carpaccio très fin, dans une marinade à base de citron, vous verrez, cela sublime cette viande d’exception ! »

Chez Francis, 61 av. de Paris, à Brive-la-Gaillarde. Tél : 05 55 74 41 72

Veau sous la mère du Limousin
CORREZE Brive-la-Gaillarde Francis Tessandier, du restaurant « Chez Francis », s’apprête à servir un carré de veau au four

 

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