Chef d’œuvre du patrimoine de l’humanité, le Mont-Saint-Michel est aujourd’hui le site touristique de province le plus visité de France. Voici un aperçu de ce qu’il y a à voir et à faire autour de la célèbre abbaye perchée sur son rocher.

Le Mont…
Dire que le Mont-Saint-Michel est très fréquenté, est un doux euphémisme (sauf en période de confinement, bien entendu…). Il faut donc s’organiser un tant soit peu afin d’effectuer la visite dans de bonnes conditions, plutôt que de jouer des coudes dans la foule, et de ne pas pouvoir profiter sereinement de la Merveille. Premier conseil : arriver le plus tôt possible. Dès potron-minet, le Mont appartient encore à sa vingtaine d’habitants (dont 15 religieux !), et l’on voit passer furtivement la robe de quelque sœur, ou la tonsure d’un frère… Deuxième conseil : suivre une visite guidée. En effet, seul un guide compétent vous fera apprécier le Mont d’hier et d’aujourd’hui, et vous permettra d’éviter les « pièges à touristes », hélas nombreux, qui tentent d’attirer le chaland à coup de promesses mirobolantes et de réclames tapageuses… Amélie, ma guide, a su me tenir en haleine dès la première minute, en truffant d’anecdotes son récit historique. Après m’avoir raconté la véritable histoire de la mère Poulard, elle m’a guidé dans les étroites ruelles de traverse en évitant la Grande Rue, « beaucoup trop commerçante ». Comme le village n’a pas de nom de rue, auparavant, chaque maison avait un nom. On passe donc devant la maison Rouge, puis celle de la Truie qui File, celle de la Queue du Renard, avec à chaque fois une explication amusante… En arrivant devant l’église St-Pierre, construite à flanc de rocher, comme toutes les maisons, je tombe (c’est le cas de le dire !) sur un minuscule cimetière, et Amélie m’apprend que c’était l’église des gens du village, alors que l’abbatiale était celle des pèlerins. Après avoir franchi la salle des Gardes, l’entrée fortifiée de l’abbaye, nous cheminons sur un escalier encadré par les hautes façades de l’abbaye d’un côté et des logis abbatiaux de l’autre, avant de déboucher sur une terrasse offrant un panorama grandiose sur la baie. Par beau temps, on distingue même au large l’archipel des îles Chausey, d’où provient le granit qui a permis de construire l’abbaye. Et c’est de là que l’on a le meilleur point de vue sur la flèche du clocher, surmontée par l’archange saint Michel. Une superbe statue de 4 m de haut, dorée à l’or fin, qui culmine au-dessus du Mont, et qui scintille au soleil en déployant ses ailes dans une attitude à la fois protectrice et dominatrice… A l’intérieur de l’abbaye, Amélie enrichit ses explications architecturales et historiques de détails étonnants sur la vie des moines : « Au Moyen Âge, l’abbé avait tous les pouvoirs, y compris celui de la mort ! … Il existe dans une église d’Avranches le chef de saint Aubert, percé d’un trou fameux : c’est le crâne de l’évêque qui a construit ici le premier sanctuaire, au VIIIème siècle. La légende dit que saint Michel lui aurait fait ce trou pour l’obliger à établir ce sanctuaire sur le Mont Tombe, qui était à l’époque un bout de rocher inhabité. Mais c’est sûrement un docteur qui a fait cette trépanation, sans doute pour ôter une tumeur… Cela n’empêche pas que des pèlerins sont longtemps venus boire un bouillon dans ce crâne pour guérir de la migraine ! »









…et la Merveille !
Puis nous entrons dans ce que l’on appelle la Merveille, un ensemble de six salles de l’abbaye. Dans le magnifique cloître, un esthétique jardin est entouré de fines colonnettes. Auparavant, les moines n’avaient droit qu’au jardin minéral sculpté sur les écoinçons. L’émerveillement est constant, en effet, du réfectoire très lumineux, à la crypte aux gigantesques piliers, en passant par la grande et belle salle des Chevaliers où les moines étudiaient… Devant l’énorme roue qui occupe l’ancien ossuaire des moines, Amélie questionne : « Devinez à quoi servait cette roue ? » Silence gêné… « …et bien c’était un monte-charge tourné par 6 hommes, comme des hamsters, en fait des prisonniers puisque le Mont-Saint-Michel a servi de prison de 1793 à 1863 ! » On sort généralement ravi d’une telle visite, avec le sentiment d’avoir appris beaucoup de choses, et d’avoir bien « compris » le Mont-Saint-Michel. Et l’on peut alors grossir le flot des badauds dans la rue principale, et se laisser aller à des plaisirs plus matériels et consuméristes, comme celui de manger une crêpe ou une glace (selon la saison), ou d’essayer de trouver un souvenir pas trop kitsch…






La traversée de la baie à pieds
Jean-François Delanoë, guide naturaliste, attend que les touristes réunis autour de lui soient attentifs. Malgré le vent frais qui picote les joues, et le froid qui monte sans doute dans ses jambes (il est pieds nus !), Jean-François prend le temps d’expliquer le phénomène d’ensablement de la baie. Les sédiments s’accumulent, le niveau du sol monte de 2 à 3 cm par an, permettant à des plantes haliophiles (qui aiment le sel), de coloniser ce qu’on appelle les prés-salés. D’où le surnom des moutons à tête et pattes noires qui paissent là en liberté, sauf en période de grande marée, où la mer recouvre tout. On se penche pour ramasser quelques pousses de salicorne, plante comestible qu’on utilise ici un peu comme du cornichon. Mais il ne faut pas toucher à l’obione, plante protégée ! La promenade à pieds, ou mieux encore, la traversée de la baie, est une expérience indispensable pour bien comprendre la complexité et la richesse de l’écosystème de la baie du Mont-St-Michel. Bien entendu, il faut absolument suivre un guide, car se promener à pieds autour du Mont, même à marée basse, n’est pas sans danger. « A l’entrée de la baie il y a 15 m de marnage, c’est le plus haut d’Europe ! Pendant les grandes marées, la mer recule jusqu’à 15 km ! Et comme elle monte toujours plus vite qu’elle ne descend, le risque de se faire encercler est grand, car on ne la voit pas venir. C’est de là que vient la légende de la mer qui monte ici à la vitesse d’un cheval au galop. C’est faux, mais tout de même, elle peut monter jusqu’à 15 km/h ! Et à ce moment là, croyez-moi, vous n’avez pas le temps de vous enfuir… » prévient Jean-François, en rappelant que des imprudents se font régulièrement secourir par hélicoptère. Autre rumeur que se charge illico de démentir le guide, en joignant le geste à la parole : il y aurait des sables mouvants autour du Mont-Saint-Michel. « C’est partiellement vrai. En fait, il n’y a pas d’endroits qui vous engloutissent d’un coup, et la plupart du temps, les gens marchent sur du sable mouvant sans s’en rendre compte. D’ailleurs, on est sur du sable mouvant en ce moment même ! » ajoute le guide d’un air facétieux… Chacun regarde ses bottes avec un mélange d’incrédulité et d’inquiétude, quand Jean-François ajoute : « sautez sur place, s’il vous plaît ». On s’exécute docilement et pataugeons dans le sable humide, et peu à peu le sable s’efface sous nos pieds, emprisonnant vite nos bottes. « Stop ! Regardez maintenant !» crie le guide, hilare, qui se met lui-même à trépigner sur place. Petit à petit, Jean-François s’enfonce sous nos yeux ébahis, et s’arrête de gigoter quand il se retrouve ensablé jusqu’au bassin. Il ne peut plus bouger, et nous explique maintenant la technique nécessaire et les bons gestes à avoir (à part appeler au secours) pour se sortir de ce piège tout seul. Très impressionnant ! Mais il n’y a pas de danger si l’on ne s’attarde pas sur place. C’est comme la tangue (la vase). Lorsqu’il faut traverser ces étendues de vase grise et visqueuse, il faut marcher rapidement pour ne pas laisser le temps à la vase d’engluer la botte. Plus d’un étourdi y a laissé la sienne ! Une fois que l’on s’est habitué à progresser dans le sable, et à traverser les criches (rigoles creusées par la mer) sans encombres, on peut profiter du paysage tout en écoutant les commentaires historiques du guide, qui ne se lasse pas de gloser sur les Anglais qui n’ont jamais réussi à prendre le Mont-Saint-Michel, ni de s’extasier sur la prouesse de ces moines-bâtisseurs. Nous rebroussons chemin à hauteur de Tombelaine, cet autre rocher immergé dans la baie, qui est aujourd’hui une réserve ornithologique. Nous n’avons pas eu la chance d’apercevoir la colonie de phoques veaux-marins qui a établi domicile dans la baie, mais nous avons pu observer des aigrettes garzettes, des huîtriers-pies et de nombreux goélands. C’était une balade passionnante, vivifiante, mais aussi assez fatigante. De nombreux guides privés proposent leurs services pour traverser la baie, ou pour faire des balades commentées, que ce soit au départ du parking du Mont-Saint-Michel, ou au départ du Bec d’Andaine, de l’autre côté de la baie, vers Genêts. Les sorties varient de 2 h à 6 h, en fonction du parcours (de 5 à 15 km). En cas d’aller simple, retour en bus prévu.











A savoir
Lorsque j’ai fait ce reportage, il y avait un parking devant les remparts. Aujourd’hui, de grands travaux ont permis au Mont de retrouver son caractère insulaire, et le parking est repoussé à 2,5 km. On peut rejoindre le Mont Saint-Michel à pieds en empruntant la passerelle d’accès, ou prendre une navette (de 7 h à minuit), dont le prix est inclus dans le tarif du parking. En prenant les premières navettes, vous arriverez bien avant la cohorte des groupes en autocar, et vous profiterez de l’ambiance intime du village, et de son caractère médiéval.
Pratique
Se renseigner
OT : https://www.ot-montsaintmichel.com/
CDT : www.manchetourisme.com
https://www.decouvertebaie.com/
Guide : Amélie Saint-James (06 15 56 22 16)

Se loger
Camping Haliotis (3*), à Pontorson : à 9 km du Mont, le long du Couesnon, camping accueillant et très bien équipé (piscine chauffée, sauna, et wifi gratuit). www.camping-haliotis-mont-saint-michel.com
Village de gîtes de l’Anse de Moidrey (à 5 min du Mont), où de confortables maisonnettes sont à louer à partir de 95 €/nuit pour 4p. http://www.village-gites-mont-saint-michel.com/
Bonnes adresses
Marée Time : coup de cœur pour ce resto situé le long du Couesnon, dont la salle du 1er étage avec terrasse panoramique offre un superbe point vue sur le Mont. On s’y régale de fruits de mer et de moules, de poisson extra frais… Au rez-de-chaussée, la boutique vend des moules de bouchot et des huîtres de Cancale, et prépare des plateaux de fruits de mer à emporter.
La Ferme Saint-Michel : sur la route du Mont, vers Beauvoir. Magnifique salle dans une grange restaurée à la charpente apparente. Immense cheminée dans laquelle le chef fait griller les viandes, dont l’agneau pré-salé, bien sûr ! Menus de 25 à 39 €. http://www.restaurantfermesaintmichel.com/

J’aime beaucoup cette façon très vivante de raconter un site, une visite , et les bons conseils qui accompagnent l’article. Dès que j’ai fini de lire, j’ai une irrésistible envie de sauter dans mes baskets . Merci pour ces reportages
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