Les oasis de la route de l’encens

Des paysages épiques de déserts et de canyons, des oasis luxuriantes, des vestiges d’anciennes civilisations et de splendides forteresses inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO : voici ce que l’on découvre en Arabie Saoudite, une destination exclusive qui n’est ouverte au tourisme que depuis 2020 !

Il y a plus de 4000 ans, la route de l’encens longeait la côte orientale de la mer Rouge pour apporter en Méditerranée les résines de l’encens et de la myrrhe. Ces produits étaient très demandés dans l’Antiquité, au point qu’ils étaient plus chers que l’or ! Les caravanes faisaient étape dans les villes dotées de sources d’eau, c’est pourquoi les vestiges des civilisations qui se sont succédées sur cet itinéraire mythique se retrouvent autour des principales oasis du pays.

Al-Ula

Autour de cette grande oasis se trouvent plusieurs sites archéologiques majeurs. Telle Hégra, une cité fondée il y a 2000 ans par les Nabatéens. Comme à Pétra, la capitale de leur royaume, ce peuple a creusé dans le roc une centaine de tombeaux monumentaux aux façades ornées. La visite guidée en Land-Rover vintage lève en partie les mystères qui les entourent, mais leur survol en montgolfière, au lever du jour, remplace la soif du savoir par la plénitude de l’émerveillement… Vous verrez aussi les vestiges de Dadan, une capitale de l’Antiquité dont les archéologues commencent à peine à dévoiler les secrets. Les graphologues, eux, ont réussi à déchiffrer les centaines de graffitis et d’inscriptions gravés en dix langues anciennes dans la roche de Jabal Ikhma, un défilé montagneux surnommé la « bibliothèque à ciel ouvert ». Enfin, c’est en quad et à pieds que l’on parcourre le wadi al-Naam pour admirer les pétroglyphes d’autruches sculptés sur une falaise, ce qui prouve qu’elles étaient présentes, jadis, dans ce sublime désert.

Hegra
Hegra
Hegra
Hegra
Hegra
Figurants à Hegra
Figurant à Hegra
Figurante à Hegra
Survol d’Hegra en montgolfière
Survol d’Hegra en montgolfière
Survol d’Hegra en montgolfière
Wadi Al-Naam
Wadi Al-Naam
Pétroglyphes au wadi Al Naam
Pétroglyphes au wadi Al Naam

En plus de ces visites incontournables, auxquelles il faut consacrer 2 ou 3 jours, je conseille de faire un tour dans le vieil Al-Ula, une étrange ville désertée par ses habitants en 1980, où les maisons en pisé, certaines vieilles de 200 ans, sont ouvertes aux quatre vents qui soufflent dans ce dédale labyrinthique… Le plus étrange, c’est qu’un hôtel 5 * (Dar Tantora) vient d’y être inauguré ! Très « arabic experience », chic et roots, calme absolu garanti… On accède à cette Old Town par une longue avenue alternant bars, restos et magasins d’artisanat ou de produits du terroir. L’un d’eux est exclusivement consacré aux dattes, certaines variétés étant présentées sous cloche, comme des pierres précieuses ! Au bout de cette avenue se trouve Al Jadida, la ville nouvelle, un quartier un peu arty où la jeunesse saoudienne passe d’un magasin de smartphone à un institut de beauté et va boire un café dans un bar branché… C’est ici que l’on constate à quel point la société saoudienne est en train de changer, pour le mieux, en voyant ces jeunes femmes se promener seules, cheveux au vent, ou seulement couverts d’un léger voile… Ce n’est pas la majorité des femmes, bien sûr, mais lorsqu’on parle avec elles (en anglais), toutes se réjouissent de cette évolution et du fait qu’elles peuvent désormais conduire, étudier, travailler sans l’autorisation d’un tuteur masculin, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années… La mixité dans l’espace public est désormais la règle, et le ministère de la Culture emploie déjà hommes et femmes à parité. Certes, la plupart des femmes portent toujours l’abaya (manteau traditionnel) noire et un voile (certaines portent même le niqab, le voile intégral, surtout en dehors des villes), mais ce n’est plus obligatoire. « Thank you MBS ! » disent-elles en chœur. « Merci Mohammed Ben Salmane », le prince héritier qui impulse ces avancées pour la condition des femmes de son pays. Même s’il y a encore beaucoup à faire notamment dans le domaine de la liberté de la presse et des droits de l’homme (l’homosexualité est toujours bannie), cela va dans le bon sens, et cela justifie, à mon avis, que l’on s’autorise à voyager dans ce pays. Je signale pour finir sur ce sujet que pour les femmes touristes il n’y a pas de port de voile imposé (sauf dans les visites de mosquée), mais une tenue « décente » est requise dans les lieux publics. 

Rue commerçante du vieil Al-Ula
Vieil Al-Ula
Jeune saoudienne
Dans un magasin du viel Al-Ula

Impossible de quitter Al-Ula sans aller admirer Maraya, la salle de spectacle ultra-moderne installée dans la vallée désertique Ashar, en face du camp de tentes de luxe Banyan Tree. Maraya, en arabe, signifie miroir, ce qui est logique puisque ce grand quadrilatère est entièrement recouvert de 9740 panneaux de verre, ce qui en fait la plus grande structure en verre du monde ! Surtout, Maraya réussit le prodige de « disparaitre » à la vue en réfléchissant le désert et les formations rocheuses de grès alentour. C’est bluffant, et quasiment hallucinant ! Ne mâchons pas les mots, j’ai trouvé ce geste architectural sublime, car il arrive à se fondre dans le paysage, lui-même fascinant… Si vous avez de la chance, vous tomberez sur un concert qui vous plaira, la programmation est prestigieuse, alternant entre opéra, rock, musiciens arabes…

Enfin, s’il vous reste une ou deux heures de libre à Al-Ula, je conseille d’aller se promener à Daimumah, un mélange de ferme et de jardin botanique aménagé dans la palmeraie, libre d’accès, qui permet de voir le petit miracle de cette oasis, ilot de verdure et de fertilité surgissant au milieu d’un désert aride… Loukoum sur le gâteau, on peut se régaler de tous ces fruits et légumes frais et bio, dans un très bon restaurant installé dans la palmeraie.  

Des spectacles nocturnes

Au début de l’hiver, durant le festival « Ancient kingdoms », deux fabuleux sons et lumières illuminent à la nuit tombée des sites archéologiques prestigieux : à Hegra, des acteurs jouent de petites saynettes devant les tombeaux et dans un marché artisanal reconstitué (on s’y croirait !). Et à Ikmah, on se laisse envoûter par les images laser projetées sur la falaise, qui évoquent les temps anciens, la culture et la nature de cette partie du monde… L’émotion ressentie est telle que l’on ressort groggy, et l’on se demande s’il n’y avait pas des substances hallucinogènes dans la collation qu’on a prise en arrivant… Non, c’est tout simplement dû à la « magie du désert », et à l’effet décuplant de la voûte étoilée !

Hegra after dark
Hegra after dark
Jabal Ikhma after dark

Tayma

Une excursion d’une journée permet de découvrir cette oasis située à 200 km au nord-est d’Al-Ula. Chemin faisant, il faut faire une halte sous la grande tente d’un camp bédouin, pour déguster quelques dattes et du karak (thé à la cardamone) après être monté sur un dromadaire ou avoir tenu un faucon sur le bras. Cela coupe agréablement le trajet en deux, qui sinon serait bien monotone dans ce reg (désert caillouteux). Tayma est donc l’une des grandes oasis situées sur la route des caravanes de l’encens, et son attraction majeure, c’est Bir Haddaj, un gigantesque puits de 65 m de diamètre et 13 m de profondeur, construit au VIe siècle av. J.-C. au-dessus d’une nappe aquifère. Sans elle, il n’y aurait évidemment pas de village, car pas de vie dans ce désert inhospitalier. On resterait des heures à admirer le très ingénieux système de puisage, consistant à laisser tomber des outres au fond du puits et à les remonter grâce à des cordes passant sur des poulies en bois de palmier, et tirées par des dromadaires ! Toute cette eau est répartie ensuite via une trentaine de canaux vers les vergers et la palmeraie alentour. Cette noria se déroule devant la place du marché, qui accueille de novembre à fin mars un show historique haut en couleurs, qui raconte l’épopée de Nabonide, le dernier roi de l’empire babylonien. La visite guidée du village et de la palmeraie permet aussi d’entrer dans un authentique palais, qui donne un bon aperçu du glorieux passé de cette oasis. Par chance, le jour où j’y étais, l’actuel cheik habitant le palais, Abd Kareem Al Rumman, nous a reçu dans la salle de réception, et a échangé quelques mots en nous offrant un café ou une boisson rafraîchissante. Sympa ! Dehors, un groupe d’hommes en tenue d’apparat chantait et dansait (ou plutôt psalmodiait et se dandinait), un sabre sur l’épaule…

Bir Haddaj
Bir Haddaj
Spectacle à Tayma
Spectacle à Tayma
Figurante à Tayma
Palais Al-Rumman à Tayma
Acteur jouant le sultan de Tayma
Abd Kareem Al-Rumman
Crêpes bédouines
Bédouine
Bédouin
Bédouin
Faucon
Dresseur de faucon
Dans un camp bédouin

Khaybar

L’autre excursion à faire absolument, à partir d’Al-Ula, consiste à rejoindre Khaybar, à 220 km au sud-est. Cette grande oasis de la route de l’encens a été fréquentée par l’Homme dès le néolithique. Le centre des visiteurs offre une vue extraordinaire sur les citadelles en ruine juchées sur des pitons basaltiques, qui sont comme des îlots flottant sur une mer de palmiers. Un sentier pénètre dans la palmeraie (oasis trail), pour en découvrir l’habitat en pisé et l’ingénieux système d’irrigation, et cette promenade est rendue très agréable par la présence de figurants qui « jouent » une vie idéale dans la palmeraie. J’avoue que je me suis laissé charmer par le son de la flûte, du luth, et par le spectacle de ces gens en costume, allant et venant pour de vagues occupations agricoles, ou jouant à l’awalé à l’ombre des palmiers… Tout cela avec la présence fraîche et apaisante de l’eau qui coule dans les rigoles.

Mais le mode de visite indispensable, ici, c’est l’hélicoptère. En effet, seule une vue aérienne révèle les énigmatiques mustatils, ces immenses structures de murets en pierre construites il y a 7000 ans, qui étaient probablement des pièges à animaux ! C’est d’autant plus troublant et fascinant que certaines de ces formes semblent dessiner un contour humain… On s’imaginera ce qu’on voudra, mais pas le temps de fantasmer, car l’hélico survole une gigantesque zone volcanique, où un volcan blanc (plutôt ivoire) s’immisce parmi les cratères noirs ! Cette couleur est due à une éruption de lave très riche en silice, nommée comendite. C’est ma-gni-fi-que !

Une perle de plus dans ce collier de merveilles qui s’offre au regard des visiteurs dans ce pays qui n’est ouvert au tourisme que depuis 3 ans ! Tout votre séjour sera ainsi empreint d’un sentiment de privilège, de se sentir parmi les premiers à voir les traces de ces civilisations anciennes dans des paysages époustouflants…

Oasis de Khaybar
Figurants dans l’oasis de Khaybar
Figurante dans l’oasis de Khaybar
Musiciens à Khaybar
Ancien village de l’oasis de Khaybar
Oasis de Khaybar
Mustatil de Khaybar
Mustatil de Khaybar
Volcan blanc de Khaybar

Pratique

Y aller : vol quotidien Paris/Al-Ula avec escale à Riyad ou Jeddah, à partir de 757 €. saudia.com/fr  

Se loger

Caravans by Habitas : confortables caravanes à l’américaine réparties dans un canyon de hautes falaises de grès ocre. L’une de ces parois, particulièrement plate, sert d’écran géant pour des projections de film nocturne ! Puis on termine la soirée autour du feu, sous le ciel étoilé, c’est magique… A partir de 300 € avec petit-déjeuner. ourhabitas.com/caravan-alula/

Our by Habitas : un coup de cœur absolu ! D’abord, le site est exceptionnellement beau : toutes les villes sont réparties le long d’une étroite vallée sableuse encadrée de rochers ocres, coiffés d’une couche de basalte. Ce canyon sauvage est si vaste qu’on nous prête des vélos à assistance électrique pour aller de la réception à la piscine et au restaurant ! Chemin faisant, on passe devant une installation d’art contemporain, des rochers peints de toutes couleurs dans un éboulis volcanique, et cela ajoute une touche de poésie dans un site déjà somptueux naturellement. Le matin, au lever du soleil, pas besoin de sortir du camp, une simple balade dans ce dédale rocheux (qui est aussi un site archéologique puisqu’on y trouve des inscriptions rupestres très anciennes) est un enchantement. Les créateurs de ce camp ont poussé le « vice » à installer des trampolines ronds dans le sol (éclairés la nuit), pour procurer encore plus de sensations dans ce site qui suscite déjà beaucoup d’émotions.  A partir de 420 € avec petit-déjeuner.  ourhabitas.com/alula/ 

Banyan Tree : Superbes villas recouvertes d’une toile ocre, certaines avec piscine privée. Du très haut de gamme chic et sobre, un restaurant de grande qualité… Le petit plus : le camp dispose d’une écurie, et l’on peut faire une balade équestre accompagnée autour des magnifiques formations rocheuses de cette vallée. A partir de 520 € avec petit-déjeuner. banyantree.com/saudi-arabia/alula 

Se restaurer

A AlUla : Daimumah : au cœur de l’oasis, restaurant à l’air libre proposant de la cuisine locale et internationale. Environ 35 €/p.

A Tayma : Mirzam : juste en face du puits. Générosité et authenticité des plats, impossible de finir son assiette ! Compter une trentaine d’euros.

A Khaybar : Takya : cuisine traditionnelle saoudienne et terrasse avec vue exceptionnelle sur la palmeraie. Environ 30 €/p.  

Tajine de poulet au Banyan Tree

Se renseigner : experiencealula.com

Saoudien chamelier

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