Les merveilles du nord-ouest argentin

Salta et Jujuy sont deux provinces du nord de l’Argentine qui regorgent de curiosités géologiques aussi fascinantes et spectaculaires les unes que les autres. Effet « waou » garanti, entre canyons rougeoyants, déserts aux cactus géants, lac salé d’altitude et montagnes multicolores !

En provenance de Buenos Aires (reportagestourisme/buenosaires), un vol de 2 h vous amènera à Salta, la capitale de la province éponyme. Cette grande ville, que l’on peut contempler depuis le sommet du Mont Bernardo accessible en téléphérique, est assez agréable, à l’image de sa verdoyante place 9 de Julio, entourée de beaux bâtiments à arcades et flanquée d’une basilique toute rose richement décorée. A quelques pas de là, une autre superbe église (San Francisco) mérite la visite, guidée si possible, car cela permet de découvrir cet ancien couvent qui est aussi un musée d’histoire de la ville. Mais s’il est un musée sur lequel il ne faut pas faire l’impasse, c’est le musée d’Archéologie de Haute Montagne de Salta. En effet, on y découvre l’incroyable histoire de trois enfants Inca sacrifiés, découverts en 1999 près du sommet du volcan Llullaillaco, à 6700 m d’altitude. Momifiés par le froid, ils ont traversé les siècles dans un état de conservation exceptionnel. Le musée a fait le choix d’exposer ces momies Inca en alternance, et vous pourrez donc observer soit une jeune fille de 15 ans, soit un garçon de 7 ans, ou une fillette de 6 ans, à travers une bulle transparente et hermétique qui garantit leur cryopréservation. Une vision à la fois fascinante… et glaçante ! (les photos sont interdites, à voir ici : museo-maam-salta

Des vigognes et des cactus

Au sud de Salta, à El Carril, on emprunte la fameuse route 33, qui part à l’assaut de montagnes rouges, hérissées de cactus géants. A peu près au niveau du pied de la côte de l’Evêque, le béton laisse place à une route très poussiéreuse, qui impose de fermer les fenêtres dès qu’on croise une voiture ou un camion. C’est dommage, car le paysage est splendide, la route s’enroule en lacets autour de la montagne, et grimpe vers les nuages, laissant voir en contrebas un ruban jaune qui zigzague dans ce massif austère et quasi désertique. Au col, à 3450 m, une minuscule chapelle est entourée de quelques vendeurs d’artisanat, puisque tout le monde s’arrête ici pour la photo… De l’autre côté, on retrouve l’asphalte (ouf !) et la route traverse alors une pampa désertique d’altitude où les rares broussailles n’arrivent pas à dissimuler les vigognes qui s’en nourrissent. Logiquement, c’est en pénétrant dans le parc national Los Cardones, que l’on commence à voir les premiers cardones, ces cactus « candélabre » ou cardón qui peuvent atteindre l’âge de 250 à 300 ans et mesurer jusqu’à 3 m. Très exploité pour la construction ou le mobilier en raison de son ossature en bois très dur, ce cactus est désormais une espèce protégée car en voie d’extinction. Dans cette immensité plate qui bute au loin contre de hautes montagnes, ces cactus forment comme une armée immobile, contre laquelle il vaut mieux ne pas se frotter…

Du vin, des flèches, des OVNIS et la planète Mars

Après avoir rejoint la vallée du Calchaqui, on arrive à Cachi, jolie bourgade à l’architecture typiquement coloniale. Telle sa petite église à la charpente en cardón, et ces maisons basses au toit plat, blanchies à la chaux… Autour de la ville prospère un artisanat de tissage de fils de laine de lama ou d’alpaga, c’est l’occasion d’acheter chez ces tisserands de beaux pulls ou des bonnets, dont vous aurez besoin plus tard, à 4000 m d’altitude…

A 2 ou 3 kilomètres au nord de Cachi, prenez le temps de rejoindre un site appelé « ovnipuerto », surtout si vous avez un drone. C’est là qu’un illuminé Suisse a installé sur le sol des lignes de pierre, de telle sorte que cela forme des étoiles, vu du ciel. Son œuvre était censée attirer les extraterrestres, et constituer une base d’atterrissage pour OVNI ! On ne sait pas si cela a réussi, en tout cas le gars a disparu mystérieusement sans laisser de traces. J’aime à penser qu’il est avec ces êtres galactiques, qui selon lui ne sont que paix et amour…

La prochaine halte se fait à Molinos, encore un agréable village très calme, dont l’église est un petit bijou de l’art colonial. Puis la route 40 file plein sud le long de la fertile vallée Calchaquies, jusqu’à atteindre la quebrada de las Flechas, un massif fait de pans de roches inclinées et effilées par l’érosion, qui semblent pointer vers le ciel comme des flèches. Plusieurs arrêts et miradors permettent de profiter de cet hallucinant paysage, que l’on croirait issu d’une autre planète… Le meilleur spot est le mirador el Ventisquero, car il offre une vue surélevée du massif. Quittons à regrets ce qui est nommé ici « monument naturel Angastaco » pour rejoindre Cafayate, réputé à juste titre pour ses vins. Plusieurs bodegas se visitent, telles que Estaco ou Amalaya, où l’on peut déguster de très bons vins rouges issus des cépages Malbec ou Torrontes.

Le lendemain, c’est par la route 68 que l’on rejoint un autre spectaculaire massif, la quebrada de las Conchas. Même s’il on trouve des coquillages (conchas) dans cette formation rocheuse jadis immergée, elle est surtout remarquable pour ces ravins et ces canyons rouge ou ocre hérissés de cactus géants, qui évoquent un décor de western sur la planète Mars ! En traversant ce massif, tout au long de la route, des parkings sont aménagés pour signaler les sites les plus étonnants, tel l’Obélisque, les Châteaux, l’Amphithéâtre ou la Gorge du Diable… Tous sont visuellement très impressionnants ! Ensuite, il suffit de reprendre la 68 vers le nord pour retrouver Salta.

Après le désert, la jungle

A 1h30 de route au nord de Salta, on arrive à San Salvador de Jujuy (capitale de la province de Jujuy, à prononcer rouroui), une ville sans beaucoup de charme, mais agrémentée de jacarandas aux fleurs mauves. Il faut déambuler autour de la place du général Belgrano (un héros national), où a été fondée la ville en 1593. On remarque la maison du Gouverneur, de style français haussmannien, qui ressemble au château de Sceaux. La place elle-même est plantée de très beaux et grands arbres (pins, araucarias, palmiers…) qui dispensent une ombre appréciable. A voir aussi la cathédrale de style néoclassique (dont la chaire est en bois de jacaranda), et le musée d’art sacré, qui abrite de beaux objets en or et argent. A partir de là, il y a deux excursions à faire (qui peuvent durer plusieurs jours selon le temps dont vous disposez) : l’une part vers le nord-est, l’autre vers le nord-ouest, chaque route faisant le tour d’un massif montagneux. Commençons par la route qui part vers l’est, en direction de Libertador San Martin. Oui, c’est une ville qui porte le nom d’un général (mort à Boulogne-sur-mer !) qui est l’un des héros des indépendances sud-américaines. Le paysage change des étendues désertiques de la province de Salta : ici, c’est beaucoup plus vert, les cultures alternent avec de la forêt, et des champs de canne à sucre. On trouve même d’immenses vergers de cerisiers ! 

Dans la cathédrale de San Salvador

Arrivé à Libertador San Martin, l’organisateur de mon reportage (le service tourisme de la province de Jujuy) a tenu à ce que je visite l’usine Ledesma, qui produit à partir de la canne à sucre, du sucre bien sûr, mais aussi du papier et de l’alcool. Elle produit aussi des jus de fruits avec les fruits locaux. C’est l’une des plus grandes entreprises d’Argentine, et elle emploie 70 % de la population locale. Son centre de visite ultra-moderne permet de voir le processus de fabrication de ces produits, et insiste sur le rôle de cette entreprise dans la préservation du parc national voisin, et dans le développement et le bien-être de la communauté. Tout cela est beau et impressionnant, mais une source locale m’a raconté des choses beaucoup moins élogieuses sur le management de Ledesma… Et c’est vrai qu’en faisant un tour dans la ville, les conditions de vie et de logement des habitants ne saute pas aux yeux !

Situé sur les contreforts de la cordillère des Andes, le parc Calilegua est magnifique et vaut vraiment le détour, même si l’on n’a pas la chance d’y voir un jaguar ou un condor… La végétation tropicale est splendide, c’est une yunga (jungle) humide colorée des fleurs jaunes, blanches ou roses du « lapacha », et du flamboiement rouge du ceiba. Plusieurs sentiers permettent de s’y balader, ce qui permet d’approcher ces étranges arbres aux piquants démesurés, surnommés « le désespoir des singes », ces lianes inextricables, ces champignons de toutes tailles, ces papillons qui semblent être nés d’un arc-en-ciel… Le plus impressionnant, rétrospectivement, c’est que le lendemain, après avoir fait le tour de ce massif montagneux, on se retrouve dans un univers à nouveau désertique, un autre monde totalement différent. Avec un point commun toutefois : on en voit aussi de toutes les couleurs !  

Les 7 couleurs de Purmamarca

A 1h30 de route au nord de San Salvador, Purmamarca est un petit village indien qui serait resté quelconque et ignoré des touristes, s’il n’était construit au pied de petites collines composées de minéraux de toutes les couleurs. Apparemment il y en aurait sept, c’est en tout cas comme cela qu’a été surnommée la « montagne aux 7 couleurs ». On n’en croit pas ses yeux en découvrant ces bandes rouges, vertes, jaunes, beiges ou violettes, qui s’étendent sur ces tertres composés de minéraux si différents. Le village est donc envahi par des hordes de touristes, et il vaut mieux arriver tôt le matin pour profiter du spectacle sereinement. Plusieurs miradors ont été installés, le meilleur est celui « del cerro el Porito », situé au plus près de ces montagnes qui semblent avoir été peintes par un géant. Un sentier pédestre facile (1 à 2 h) fait le tour du massif le plus rouge, ce qui permet d’apprécier sa beauté et ses couleurs sous tous les angles. Je conseille de ne pas déjeuner ni s’attarder dans ce village, dénaturé par le tourisme de masse. 

Salinas Grandes

En poursuivant vers le nord-ouest la route 52, celle-ci s’élève régulièrement dans un paysage minéral jusqu’à atteindre un col culminant à 4170 m : il ne faudrait pas rester trop longtemps, sinon gare au mal de l’altitude ! De l’autre côté, on descend un peu jusqu’à atteindre Salinas Grandes, un désert de sel s’étendant sur 200 km² sur un haut-plateau à 3415 m d’altitude. Cette immense étendue de sel est exploitée et gérée par une communauté indienne locale, et on ne peut y accéder qu’en compagnie d’un guide. Tout est orchestré pour faire en sorte que le plus de monde possible puisse marcher sur ce désert de sel et faire des photos, sans avoir la sensation de foule. Mais au bout d’une petite heure, le guide impose le retrait, pour laisser la place aux autres touristes qui attendent… C’est frustrant, mais au moins, on évite de se marcher dessus ! Cela laisse toutefois assez de temps pour prendre des photos et des selfies le long de ces tranchées creusées pour récupérer le sel, où stagne une eau bleu clair reflétant la couleur du ciel. Là encore, on a l’impression de se trouver sur une autre planète ! C’est une expérience magique et … éblouissante !

Des couleurs plein les mirettes

Mais vous n’êtes pas au bout de vos surprises ni de vos émerveillements, car le meilleur est à venir. Le but de l’excursion suivante est une raison suffisante pour effectuer ce long et harassant périple jusqu’au fin fond de l’Argentine. Mon conseil est d’aller passer la nuit à Tilcara, un village regorgeant d’hôtels et de restaurants de toutes catégories. Vous serez ainsi sur la route qui mène à la quebrada de Humahuaca, inscrite au patrimoine culturel et naturel de l’humanité par l’UNESCO. Consacrez au moins une ou deux journées à cette région viticole, où l’on peut aussi visiter des bodegas. Le lendemain matin, assez tôt pour éviter les fortes chaleurs, commencez par faire un stop, au niveau d’Uquia, à la quebrada de las Señoritas. Il faudra à nouveau payer un guide local pour qu’il vous accompagne à pieds dans ce massif ruiniforme de couleur ocre rougeoyant, traversé de canyons. Avant de repartir, jetez un œil au cimetière du village, dont toutes les croix sont couvertes de fleurs artificielles bariolées. Une façon d’annoncer la couleur ?

C’est à Humahuaca, encore un chouette village de communautés andines, que l’on bifurque plein Est pour rejoindre le but ultime de ce voyage, la serrania de Hornocal. Mais comme tout Graal, ça se mérite, et la piste de tôle ondulée poussiéreuse qui y mène est interminable et très pénible. Heureusement, la récompense en vaut la peine. Après une heure de montée (et de supplice), on arrive à un belvédère perché à 4350 m d’altitude. Et là, le choc visuel est intense : tout l’horizon est occupé par une montagne plissée, dont les contreforts forment des chevrons colorés. Cette fois, les strates géologiques de différentes compositions dessinent non pas 7, mais au moins 12 couleurs ! C’est un spectacle grandiose dont on ne se lasse pas, d’autant plus que l’on peut se répartir sur une large pente pour admirer ce tableau naturel en toute tranquillité. J’aurais pu rester là toute l’après-midi, mais le mal de tête commence à poindre à cette altitude, et le chauffeur a aussi hâte de redescendre. Il faut donc se résoudre à quitter ce fabuleux paysage, qui laissera dans ma mémoire un souvenir impérissable… En redescendant dans la pampa, des vigognes broutent le peu de végétation qui s’accroche à ces hauteurs, indifférentes à toute cette beauté. Peut-être pas après tout, dans ce cas, ce sont les vigognes les plus chanceuses du monde !  

Province de Jujuy Humahuaca

Pratique

Y aller : Depuis Buenos Aires, prendre un vol pour Jujuy ou Salta. Compter 160 € A/R. aerolineas.com

Transferts : les provinces de Salta et Jujuy ne sont qu’à 1h de route l’une de l’autre. On peut donc louer une voiture à Salta ou San Salvador de Jujuy en fonction du vol choisi depuis Buenos Aires.

Se loger et se restaurer

Province de Salta :

Don Numas & Spa : située au calme dans la banlieue chic de Salta, posada familiale de charme avec piscine et jacuzzi. Les soins du spa sont de qualité, et à tarif imbattable ! A partir de 120 €/ch. donnumas.com.ar

Hosteria Cachi : en surplomb de la ville, hôtel avec piscine, avec un bon restaurant. Prix corrects. hosteriacachi.com.ar

Hacienda de Molinos : hôtel 3* de style colonial, occupant l’ancienne résidence du gouverneur de Salta. Les chambres sont réparties autour d’un patio ombragé en son centre par un arbre géant, le molle. haciendademolinos.com.ar

Bodega Amalaya, à Cafayate : d’architecture moderne, cette bodega est incontournable pour sa terrasse ombragée au-dessus des vignes, où l’on déguste des mets fins accompagnés des délicieux vins du domaine, cultivés en altitude. amalaya.com

Asturias, à Cafayate : hôtel 4* avec spa et piscine, de très bon rapport qualité/prix. J’ai pu profiter d’un massage d’une heure pour 10 € ! cafayateasturias.com

Casa de las Empenadas, à El Carril : surnommé aussi la « parilla de mi Tata », ce resto-route familial est réputé pour ses empanadas, cuits sur demande dans le four attenant. A déguster avec le vin maison. Un régal ! Juste en face, un artisan vend des douceurs et des glaces locales. 

Viracocha, à Salta : bonne cuisine régionale avec de la bière artisanale. Pour goûter à la viande de lama…

Province de Jujuy 

Gregorio I, à San Salvador : au cœur de la ville, hôtel 3* à prix raisonnable, et le gars à l’accueil est très sympa et essaye de parler un peu français… Chambres à partir de 70 €. gregoriohotel.com

Posada con los Angeles, à Tilcara : calme, confort, bon accueil et bonne table, à prix raisonnable ! A partir de 80 € la chambre, avec petit-déjeuner. posadaconlosangeles.com.ar/

A ramener : artisanat du cuir ou du textile, des pierres semi-précieuses, du maté (sorte de thé local).

Se renseigner : argentina.travel ; visitsalta.ar ; jujuyturismo.com.ar