L’aligot de l’Aubrac

Découvrez quels sont les secrets de fabrication et de préparation de ce plat de terroir aveyronnais. Un reportage qui ne tient qu’à un fil !

« Superbe !… Allez, viens ma mignonne, viens là… » La robuste vache Aubrac à robe froment, aux yeux noirs, s’approche doucement d’André Valadier. André est éleveur à la retraite, il a transmis son troupeau à ses fils, mais il vient tous les matins voir ses bêtes qu’il connaît toutes par leur nom. Attaché à son cheptel, il l’est aussi viscéralement à son terroir, l’Aubrac, dont il est un fervent défenseur. Si quelqu’un ne connaît pas André, dans ces hauts plateaux du Massif Central méridional, c’est qu’il est étranger. Car monsieur Valadier est connu comme le loup blanc dans la région, pour avoir relancé dans les années 1960 la production laitière et la fabrication du fromage Laguiole. Avec quelques autres éleveurs, cet aveyronnais pure souche a fondé la coopérative Jeune Montagne à Laguiole même, ce qui a entraîné la renaissance d’une spécialité culinaire locale : l’aligot. En effet, à partir du fromage de Laguiole, on fait ici depuis des siècles une recette simple et savoureuse, en mélangeant la tome fraîche à de la purée de pomme de terre. En relançant le fromage Laguiole, et en lui obtenant l’AOC en 1961, André Valadier et ses compagnons ont donc aussi contribué à sauver ce plat de terroir, qui lui est étroitement associé. Il suffit de visiter la coopérative pour s’en convaincre…

André VALADIER, avec sa vache Aubrac « Superbe »
André VALADIER, avec sa vache Aubrac « Superbe »

Tome ou Laguiole ?

Le lait cru et entier est emprésuré et caillé dans d’immenses bassines, puis ce caillé est coupé, retourné et pressé de nombreuses fois jusqu’à ce que ces blocs soient parfaitement égouttés. La tome obtenue suit alors deux orientation distinctes : une partie deviendra après 48 h de maturation de la tome fraîche, destinée à l’aligot ; l’autre partie, après 24 h de maturation seulement, sera broyée, salée, et à nouveau pressée dans des moules cylindriques. Ce sera du Laguiole.

Coopérative Jeune Montagne
Le lait est emprésuré, caillé et coupé dans de grandes cuves
Le caillé coupé est mis sous presse pour égouttage
Les blocs de caillé sont découpés, pressés et égouttés
Ces blocs de caillé donneront la tome fraîche
Bernard ROBERT, directeur de la Coopérative Jeune Montagne, montre une meule affinée de Laguiole

L’aligot, c’est comme le jazz, ça se consomme sur place !

A la belle saison, si vous vous promenez sur ces hauts plateaux aux confins de l’Aveyron, du Cantal et de la Lozère, vous n’aurez pas de mal à vous joindre à un aligot géant organisé dans un village ou en montagne dans un buron. Aux plaisirs de la fête et de la bonne chère, s’ajoute celui du spectacle, lorsque les aligotiers font filer l’aligot dans leurs grandes marmites. C’est le geste rituel qui accompagne tout aligot, et qui consiste à montrer son élasticité, son « muscle », en formant un long ruban translucide. Ce caractère filant témoigne de la qualité du produit, et de la fusion réussie entre le fromage et la pomme de terre. « Dans une marmite, on peut faire un fil d’1m50 ! » assure Vincent Favier, restaurateur à Laguiole, qui livre ses astuces pour réussir un aligot : « Il est très important de partir d’une purée bien chaude, mais sans la faire bouillir après avoir ajouté la tome ! Tout est dans la température : un aligot froid ne file plus, il colle ! Lorsque l’aligot est bien filant, servez-le tout de suite dans une assiette chaude, avec de la saucisse ou une viande rouge grillée. Mais cela va très bien avec de l’agneau ou du tripoux ! »

Aligot géant
Aligot géant qui file bien

Aligot, go, go !

La douceur de goût de l’aligot en fait l’ami de la plupart des viandes. Michel Bras, le grand cuisinier de l’Aubrac, trois étoiles au guide Michelin, ne jure d’ailleurs que par l’aligot : « L’aligot, c’est l’âme de mon pays, un produit simple, mais d’émotion, que je propose dans tous mes menus. Moi, je n’utilise que des pommes de terre de variété Institut de Beauvais peu amidonnées, et de la tome fraîche de la Coopérative Jeune Montagne, bien sûr ! » L’amour de ce grand chef pour l’aligot de l’Aubrac a donné à ce plat traditionnel ses lettres de noblesse. Il ne lui manquait plus que la reconnaissance nationale. C’est aussi Michel Bras qui y contribua en mettant au point la recette d’un aligot surgelé. Préparé par Jeune Montagne et commercialisé par les revendeurs spécialisés (Picard, Thiriez, Agrigel…), cet aligot n’a pas à rougir de la comparaison avec le frais. « C’est un aligot de l’Aubrac tout à fait honnête, en tout cas bien meilleur que ce que proposent les copieurs, les adeptes du terroir-caisse qui vendent en grande surface des aligots allant du mauvais à l’acceptable, jamais au comparable ! » assène Bernard Robert, directeur de la coopérative Jeune Montagne. Il explique : « Le véritable aligot de l’Aubrac a un caractère fromagé très prononcé qui s’exprime à travers ses arômes et sa texture. Ceci est dû à notre lait cru et entier d’une très grande qualité que nous obtenons en sélectionnant la race, Aubrac ou Simmental, en éliminant le maïs, l’ensilage et en imposant le fourrage sec. N’oublions pas que c’est la tome qui apporte à l’aligot son filant et son bon goût de fromage frais !».

Si vous n’habitez pas à proximité de Laguiole, pour déguster le véritable aligot de l’Aubrac, fait à partir de la tome fraîche de l’Aubrac IGP, vous ne pourrez vous tourner que vers les surgelés ou les barquettes sous vide vendues au rayon frais dans certaines grandes surfaces. Mais bien sûr, le mieux est de venir dans son terroir d’origine, pour le déguster…  à tire-l’aligot !

Vincent FAVIER, du restaurant l’Aubrac, à Laguiole

Quid de l’aliquod ?

Au Moyen Âge, Aubrac était une étape sur un chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Les écrits mentionnent qu’on y trouvait toujours quelque chose à manger, ce qui en latin se disait aliquod, déformé en aligot. C’était à l’époque un mélange de pain et de fromage fait dans les burons, les bergeries de montagne. Ce n’est qu’au 19ème siècle qu’on a remplacé le pain par de la purée de pomme de terre ! 

Recette de l’aligot de l’Aubrac

Ingrédients pour 4-6 pers :

1 kg de pomme de terre Bintje / 400 g de tome fraîche de l’Aubrac IGP / 150 g de crème fraîche / 100 g de beurre / 1 gousse d’ail

Faire une purée, assaisonner selon votre goût (sel, poivre, noix de muscade…), et ajouter la gousse d’ail écrasée. Ajouter la tome de l’Aubrac râpée, ou en lamelles, ou en petits dés, et remuer à feu moyen jusqu’à ce que la tome soit entièrement fondue, et que l’aligot file bien. C’est prêt !

Préparation de l’aligot

Se renseigner : https://www.jeune-montagne-aubrac.fr/aligot-aubrac/production-aligot/